Sociétés & Représentations n° 7, résumés/abstracts
LA DANSE DES BALS, CHRISTOPHE APPRILL
Cet article s'insère dans une recherche plus globale sur les territoires de pratique et d'apprentissage des danses de couple en France. Alors que la danse comme spectacle et comme pratique a connu un renouveau spectaculaire depuis le début des années 1980, elle apparaît considérablement négligée par les sciences sociales. Les silences concernant la danse en général et la danse des bals en particulier sont nombreux et récurrents quelles que soient les disciplines. Et ils le sont depuis fort longtemps, y compris à des époques ou le bal était l'un des espaces privilégiés de rencontre entre les sexes. Travaillant sur la danse, nous avons voulu explorer les rapports de la recherche avec cet objet "indigne", dont les implications corporelles laisseraient entendre qu'il est peu "sérieux".
Ballroom dancing, Christophe APPRILL
This article is part of a more global research about the territories of training and practice of social dancing in France. Considering the spectacular revival met by dance as entertainment show and practice since the beginning of the 1980s, it appears that it has been considerably neglected by social sciences. The silence surrounding dancing at large and ballroom dancing in particular is recurrent whatever the field of studies might be. And it has been going on for a long time, including at times when ballrooms were privileged places of meeting between sexes. Working on dance, we aimed at exploring the relations of research with the “undignified” object, which is considered not “serious” because of its corporal implications.
LE FOOTBALL ET LE TANGO DANS L'IMAGINAIRE ARGENTIN, EDUARDO P. ARCHETTI
Le sport et la danse, en tant que pratiques corporelles, sont des pratiques culturelles et relèvent donc d’un même univers. C’est dire qu’il existe des rapports d’affinité entre le sport, la danse et la musique en Amérique Latine, notamment entre le danzon et le baseball à Cuba, la samba et le football au Brésil, le tango et le football en Argentine. Depuis 1910-1930 l'exportation des pratiques culturelles et de ceux qui les incarnent (danseurs et joueurs) et des spectacles “sons et images” argentins a été associée au tango (une création locale) et au football (une invention anglaise). La communication analyse l'impact historique et sociologique de ces pratiques corporelles dans la construction d'un imaginaire argentin qui trouve une part de son fondement dans les pays d’importation.
Football and tango in the Argentinean imaginary, Eduardo P. ARCHETTI
Sport and dance, as corporal activities, are cultural practices and are therefore part of a same universe. It means that there are links of affinities between sport, dance and music in Latin America, noticeably between danzon and baseball in Cuba, samba and football in Brazil, and tango and football in Argentina. Since 1910-1930 the export of cultural practices and those who embody them (dancers and players) and of Argentinean "sound and images" shows, has been associated with tango (a local creation) as well as with soccer football (an English invention). The contribution analyses the historical and sociological impact of these corporal practices in the building of an Argentinean imaginary, which partly founds itself in countries of importation.
L’ÉTAT, L’ÉCONOMIE ET LE SPORT, PIERRE BOURDIEU
Le spectacle sportif apparent cache le système réel des agents apparents en lutte autour d’enjeux commerciaux. La logique néo-libérale et la télévision ont été parmi les facteurs les plus puissants de la conversion du sport en spectacle et en support de communication. Le processus fait l’objet d’une résistance différentielle selon la force de la tradition étatique. La relation très spéciale entre l’État et le sport qui, en France, fait de ce dernier un service public, peut servir de référence à une utopie réaliste selon laquelle le svertus éducatives du sport seraient valorisées.
State, economy and sports, Pierre BOURDIEU
The apparent sportive show conceals the actual system of the apparent agents struggling about business issues . Neo-liberal logic and television have been amongst the most powerful factors in converting sport into show and medium of communication. The process meets different resistance according to the strength of State tradition. The very special relationship between the State and sports, the latter being made part of civil service in France, can be a reference for a realistic utopia according to which the educational virtues of sport would be enhanced.
LE FOOTBALL EN IRAN, CHRISTIAN BROMBERGER
Ce qui a l’apparence anodine du fait divers sportif peut cristalliser et préfigurer l’évolution profonde d’une société. La qualification pour la Coupe du Monde a été le signe le plus visible de l’ouverture progressive de l’Iran. Quel que soit le régime, les sports ont toujours été dans ce pays étroitement associés à la vie politique. Comme l’essor des autres sports internationaux, l’engouement pour le football participe d’un processus de modernisation de la société iranienne où des valeurs telles que l’individualisme, la compétition, l’ascension sociale par le mérite tentent de s’affirmer.
Football in Iran, Christian BROMBERGER
What looks like a minor sport news item can crystallise and foreshadow the deep evolution of a society. The qualification for the World Cup was the most visible sign of the gradual opening in Iran. Whatever the regime, sports have always been closely linked to the political life in that country. As it is the case for the expansion of other international sports, the craze for football is part of a process of modernisation of the Iranian society where values such as individualism, competition, social upgrading through merit are trying to get established.
LA COMMERCIALISATION DU FOOTBALL, HUGH DAUNCEY ET GEOFF HARE
Les auteurs étudient l’articulation nouvelle entre l’espace sportif et le champ économique en Angleterre et en France, en montrant comment, dans les deux cas, la symbiose télévision-commerce-football a diminué l’autonomie de l’espace sportif. Ils présentent les grands facteurs d’ordre social, économique, politique et culturel qui ont conduit cette évolution, ainsi qu’une affaire récente concernant Newcastle United qui l’illustre. L’influence de la télévision sur le football est comparable aux effets de la globalisation du commerce sur d’autres champs sociaux.
The marketing of football, Hugh DAUNCEY and Geoff HARE
The authors study the new articulation between sports space and the economical field in England and in France, by showing how, in both cases the symbiosis television-market-football has reduced the autonomy of the sport space. They introduce the main factors of social, economical, political and cultural order which led this evolution, with the example of a recent case concerning Newcastle United. The influence of television on football is comparable to the effects of the globalisation of business on other social fields.
LA NAISSANCE DE L’ÉDUCATION PHYSIQUE : ENTRE MÉDECINE ET ENSEIGNEMENT, JACQUES DEFRANCE
Dans les pays industriels à régime démocratique, on assiste à l’abandon du modèle militaire d’encadrement de l’éducation physique qui prévalut tout au long du XXe siècle. Parmi les solutions de rechange, deux options principales se présentent : organiser l’éducation physique sur le modèle de la profession médicale, ou choisir le modèle de la profession enseignante. L’analyse porte sur l’établissement d’une formation pour les professeurs d’éducation physique en 1947.
The origins of physical education: between medical and teaching professions, Jacques DEFRANCE
In industrial and democratic countries, we observe the renunciation to the military model of the management of physical education which prevailed throughout the 19th century. Among alternative solutions, two main options emerge: to organise physical education along the lines of the medical profession, or to choose the example of the teaching profession. The analysis is on the promotion of training physical education teachers in 1947.
LA FABRICATION DES "SANG ET OR", DIDIER DEMAZIÈRE, YVES MAERTEN, PASCAL ROQUET
Les auteurs s’attachent à expliciter la place singulière qu’occupe le supporterisme pour le Racing Club de Lens dans le football professionnel français. Ils insistent sur l’ancienneté des réseaux de supporters, apparus dans les années 1930 et sur les liens étroits que la direction du R.C.L. a toujours entretenu avec les groupes de supporters. Depuis la période minière jusqu’à l’époque contemporaine le club a contribué de manière permanente à l’organisation et à la structuration du supporterisme “sang et or”, cherchant à diffuser ses conceptions du “bon supporter”. Pourtant celles-ci sont désormais contestées par des groupes autonomes qui s’inspirent de la mouvance “ultra” et s’inscrivent en rupture avec le supporterisme traditionnel et le système qui les encadre.
The making of the “blood and gold”, Didier DEMAZIÈRE, Yves MAERTEN, Pascal ROQUET
The authors’ point is to explain the particular place of supporterism for the Racing Club of Lens in French professional soccer. They insist on the age of supporters’networks, which appeared in the 1930’s and on the close links the R.C.L.’s managers have always kept with the groups of supporters. Since the era of the mine until now the club has always contributed to the organisation and structuration of the “blood and gold” supporterism, trying to spread its notions of “the good supporter”. Yet these notions are now being questioned by autonomous groups which draw their inspiration from the “ultra” movement and subscribe neither to the traditional supporterism nor to the system managing them.
LES ORIGINES DE LA CULTURE DU FOOTBALL EN ALLEMAGNE, CHRISTIANE EISENBERG
Cet article tente d’expliquer la lente expansion et le relatif retard du football allemand jusqu’en 1914. Il examine en particulier la quasi absence de la classe laborieuse dans ce sport. Au tournant du siècle, le football ne connaissait un succès qu’auprès des classes moyennes montantes, surtout la nouvelle couche des cols blancs. Pour expliquer ce trait caractéristique, on se réfère à des raisons générales telles que l’absence d’une tradition vivante et populaire du football, comme l’ont décrit nombre d’auteurs ayant travaillé sur le développement du football anglais, ou le manque de soutien de la part de l’École, de l’Église et du mouvement ouvrier. Cela concerne surtout la description d’une culture émergeante du football qui, dans l’Allemagne du début du siècle, était censée élever le statut des employés jusqu’aux classes moyennes respectables (Bürgertum). Le faible que montraient les footballers pour les médailles et les diplômes, leurs imitations de rituels académiques et leur usage de rhétorique militaire atteignirent quelques sommets d’énormités et d’incongruités, qui firent que nombre d’”authentiques” Bürger snobèrent le jeu. Ces composants de la culture footbalistique conduisirent également la classe ouvrière à s’en tenir éloignée. L’article finira sur une discussion quant aux conséquences de ces particularités sur le football allemand ainsi que sur la société allemande.
The origins of a culture of football in Germany, Christiane EISENBERG
This article tries to explain the slow growth and relative backwardness of German football until 1914. In particular, it examines the relative absence of the working class from the game. In the late nineteenth and early twentieth centuries, football was a success only with the rising middle-classes, especially the new white-collar strata. To explain this characteristic feature it refers to some general reasons such as the absence of a living tradition of folk-football, as it has been described by authors dealing with the development of English football, as well as to the lack of support by schools, churches and the labour movement. It specially concerns the description of the emerging football culture which in turn-of-the-century Germany was designed to raise the status of white-collar employees towards the respectable middle-class (Bürgertum). The footballers’ "faible" for medals and diplomas, their imitation of academic rituals and their use of militaristic rhetoric displayed stylistic howlers and incongruities causing many "genuine" Bürger to turn their backs on the game. These components of football culture also caused the working class to keep aloof. It will end with a discussion on some of the consequences of these peculiarities for German football as well as for German society.
LE CLUB COMME OBJET DE CROYANCE, JEAN-MICHEL FAURE ET CHARLES SUAUD
Rien n’est plus difficile d’interroger une réalité que le langage ordinaire désigne comme une évidence dotée de propriétés extraordinaires, le club de football professionnel. Plus qu'une organisation, le club est une “personne morale” et symbolique aux contours changeants suivant les circonstances (tantôt réduite à l'équipe, tantôt englobant dirigeants et/ou supporters), à laquelle chacun reconnaît des traits spécifiques, une capacité d'agir et la possibilité de devenir objet de fixation affective. Cette amplification symbolique autour du club de football se vérifie à tout niveau de la compétition. Quelles sont les conditions sociales d'élaboration et de reproduction de telles croyances qui finissent par faire, pour une large part, la réalité d'un club professionnel ?
The club as an object of belief, Jean-Michel FAURE and Charles SUAUD
Nothing is more difficult than to question a reality that ordinary language describes as an obviousness endowed with extraordinary properties, the professional football club. More than a mere organisation, the club is a moral and symbolic "person" whose outlines change according to the circumstances (sometimes reduced to the team, sometimes involving managers and/or supporters), to which everyone grants specific traits, an ability to act and the possibility to become an object of emotional obsession. This symbolic emphasis around the football club proves true at every step of the competition. What are the social conditions of the development and reproduction of such beliefs which end up making, for a large part, the reality of a professional club ?
LA FRANCE DES “ULTRAS”, NICOLAS HOURCADE
Il existe diverses manières d’être supporter. Depuis une quinzaine d’années, en France, des groupes de jeunes “ultras” se développent. Ces “ultras” cherchent à se constituer comme des acteurs du football en créant leur pratique et leur compétition. Ils se référent à une même culture, qu’ils actualisent différemment. Cette activité leur permet d’occuper leur temps de loisir, de s’affirmer et d’accéder à une forme d’action collective autonome, à laquelle ils s’efforcent de donner un sens par la mobilisation d’identités, essentiellement locales.
The France of "ultras", Nicolas HOURCADE
There are different ways to be a supporter. In France, groups of young "ultras" have been developing for about fifteen years. These "ultras" are trying to constitute themselves as actors of the football scene by creating their own practice and competition. They relate to a same culture that they update in a different way. This activity allows them to spend their time of leisure, to assert themselves and to have access to a form of collective and autonomous action, to which they try to give meaning by mobilizing —essentially local— identities.
LES HÉRAUTS DU FOOTBALL : LA NAISSANCE DU REPORTAGE SPORTIF À LA RADIO ITALIENNE, GIANNI ISOLA
Le football ne fut pas l’objet des premières émissions sportives. Les auditeurs, pour l’essentiel des classes moyennes et la grande bourgeoisie, préféraient les hippodromes, les sports motorisés et la boxe. C’est avec les progrès techniques et l’élargissement considérable du public que se développa le “football parlé”. Une des ses “voix” les plus fameuses fut Nicolo Carioso. Il entretint un rapport magique avec les auditeurs. Mais la télévision et le totocalcio ont rendu peu à peu désuet le ton épique, la faconde enthousiaste et la rhétorique nationaliste de chantre et du football italien, propre au genre radiophonique et à cette génération de journalistes.
The heralds of football : the invention of sports programs on the Italian radio, Gianni ISOLA
The first radio sports programs were not about football. The audience, essentially from lower and upper middle classes, would rather go for horse-race grounds, car-races and box. "Spoken football" developed along with technology and the considerable growth of the audience. One of its most famous "voices" was Nicolo Carioso. He kept a magical relationship with the audience. But television and totocalcio made the epic tone, the enthusiastic volubility and the nationalistic rhetoric of the champion of the Italian football —particular to the radio genre and generation of reporters of the time—, sound a bit old-fashioned.
LE PAYS DU SPORT FACE AU SPORT LE PLUS POPULAIRE DU MONDE, CHARLES KORR
En 1988, la FIFA accorda aux États-Unis le droit d’héberger la Coupe du Monde de 1994. L’un des résultats de cette décision fut d’induire un débat houleux entre les supporters, les autorités du football et de nombreux observateurs du jeu sur l’opportunité de laisser le plus grand événement de sport d’équipes du monde avoir lieu dans un pays dont l’équipe s’était rarement qualifiée pour le championnat et où le football était considéré comme un sport secondaire. La principale cause de mécontentement vis-à-vis de la FIFA et de colère envers les États-Unis fut que la décision fut ressentie comme le résultat de considérations bassement commerciales et le sentiment que les États-Unis n’avaient pas réellement “fait leurs classes” dans le football international. Cet article étudie l’attitude des Américains envers la Coupe du Monde et construit des parallèles autour du fait que les États-Unis n’ont a jamais fait preuve de beaucoup d’enthousiasme pour les sports internationaux. L’importance de “jouer pour son pays” n’a jamais vraiment fait partie de l’expérience américaine. Autant que l’idée que l’on octroie les termes de “World series”, “superbowl”, et titre de “National Basketball Association” présenté comme Championnat du Monde de Basket, puisse amuser nombre d’universitaires non-Américians bien intentionnés, il n’en demeure pas moins vrai que ces mots ont une résonnance dans l’esprit des Américains. La reconnaissance de leur importance et une compréhension du fondement de l’attitude des Américians à l’encontre de la Coupe du Monde présentent à nos yeux une façon utile d’approcher le particularisme culturel des États-Unis et le rôle du sport en tant que miroir des identités culturelles nationales.
The country of sports VS the most popular sport in the world, Charles KORR
In 1988, FIFA awarded the United States the right to host the 1994 World Cup. One of the results of this decision was to start a lively debate among supporters, football authorities, and many observers of the game about the wisdom of having the world's premier team sport event in a nation whose team had seldom qualified for the championship round and where football was considered a peripheral sport. Much of the annoyance with FIFA and anger towards the United States was based on what was felt to be the crassly commercial considerations that had gone into the decision and the feeling that the United states had not served a proper "apprenticeship" in international football. This article looks at the attitude of Americans towards the World Cup and draws parallels to the way in which there has never been much enthusiasm in the United States for international sports. The importance of "playing for your country" has never been an active part of the American experience. As much as many well-intentioned non-American scholars may be amused by the idea of "The World Series", "The super Bowl", and the National Basketball Association title series being referred to as "The World Basketball Championship", these terms do resonate for Americans. The recognition of their importance and an understanding of the basis for the American attitude towards the World Cup presents us with a useful way of looking at the cultural particularism of the United States and the role that sports plays in reflecting national cultural identities.
FOOTBALL ET SOCIÉTÉ EN RÉGION PARISIENNE, NICOLAS KSSIS
La coupe du monde entraîne un regain d’intérêt pour l’étude de ce sport et notamment de sa place dans nos sociétés industrielles. Pourtant, la pratique à la base, qui concerne aujourd’hui plus de deux millions de licenciés, n’a suscité jusqu’à présent que peu d’études. Les clubs de quartier et de village, auxquels Aimé Jacquet ne cessa pourtant de rendre hommage, apparaissent comme les grands inconnus de l’histoire du football. De même, si ce dernier est fréquemment défini comme un sport populaire, souvent même ouvrier, la réalité et la signification de cette expression restent à déchiffrer. Cet article s penche sur la composante la plus politique du football français, le sport travailliste jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, pour essayer de suivre par “en bas” la démocratisation de ce “royaume de la liberté au grand air” (selon l’expression de A. Gramsci), en l’inscrivant dans l’optique, pour reprendre la formulation d’Antoine Prost, d’”une histoire régionale de Paris et de sa banlieue.”
Football and society in Paris suburbs, Nicolas KSSIS
The World Cup was the reason for a growing interest in the study of football and especially of its role in our industrial societies. However, basic practice which concerns over two million licensed players today, has been the subject of very few studies to this day. The neighbourhood or village clubs, to which Aimé Jacquet has always paid tributes, have remained ignored by football history. Furthermore, when this sport is referred to as a "lower middle-class" —or even as a "blue-collar"— sport, the reality and the meaning of this expression still have to be explained. This article studies the most political element of French football —the Labour class sport until World War II— to try and follow from "the bottom" the democratisation of this "realm of freedom and open air" (as A. Gramsci put it), viewing it from the angle of "a regional history of Paris and its suburbs".
LE MATCH À LA TÉLÉVISION : VISION DU JEU ET MISE EN PAROLES, CHRISTOPHE LAMOUREUX
La retransmission télévisuelle impose une manière de voir. La mise en image qu’elle opère peut être présentée comme un spectacle qui combine trois dimensions : l’espace, le temps, le moment. Selon différents facteurs, mais pas seulement technologiques, ces combinaisons varient. Les dernières ne prennent tout leur sens que si l’on intègre dans l’analyse la rhétorique des commentaires.
Match on television: vision of the game and putting into words, Christophe LAMOUREUX
Television broadcasting imposes a way of seeing. The putting-into-images it operates can be presented as a show that combines three dimensions: space, time, moment. These combinations vary accordingly with different factors, and not only technological ones. They only take their full meaning if the rhetoric of comments is integrated into the analysis.
LES DÉBUTS DU FOOTBALL EN ITALIE, PIERRE LANFRANCHI
Le football commence à s'implanter en Italie au cours de la dernière décennie du XIXe siècle. Deux modes de pénétration du jeu bien distincts et souvent antagonistes peuvent être identifiés. Dans les grandes villes du nord de la péninsule, Gênes, Turin et Milan, les courants anglophiles de la bourgeoisie d'affaires s'associent à des étrangers (Suisses, Britanniques, Autrichiens) employés comme cadres dans l'industrie pour fonder les premiers grands clubs de "Foot-ball" (AC Milan, Genoa, Torino, Inter). Ils interprètent le football comme un élément de distinction et d'affirmation de la modernité anglophile. L'autre voie de pénétration passe par les sociétés de gymnastique qui introduisent dès 1893 des compétitions de football. Elles voient dans le jeu la "palla al calcio" le successeur des pratiques romaines ou du "calcio fiorentino" pratiqué au XVIe siècle. Quand le foot-ball est un sport hivernal, pour les sociétés de gymnastique, le "calcio" est un sport estival réservé aux seuls Italiens. Elles recrutent essentiellement dans les bourgades du Nord-Est, du Piémont et de la Lombardie. Pendant deux décennies, jusqu'à la première guerre mondiale, les conflits entre les deux groupements révèlent des luttes plus profondes entre deux conceptions de la nation, de l'économie et du sport. Le compromis à l'italienne qui donnera naissance à la Federazione italiana giuco calcio, les querelles de clocher et la nationalisation progressive du jeu dans les années vingt devaient permettre au calcio de s'affirmer pendant les vingt années du Fascisme comme l'une des réalisations essentielles de la Révolution nationale.
The beginnings of football in Italy, Pierre LANFRANCHI
Football started to become established in Italy during the last decade of the 19th century. Two distinct and often antagonist modes of introduction of the game can be identified. In the big cities of the north of the peninsula, Genoa, Torino and Milan, the anglophile trends of industrial bourgeoisie associated with foreigners (Swiss, Britons, Austrians) employed as executives in industries to found the first big "foot-ball" clubs (AC Milan, Genoa, Torino, Inter). They regarded football as an element of distinction and assertion of the modernity to be anglophile. The other way of introduction was through gymnastic societies which organised football competition as soon as 1893. They saw in the game of the "palla al calcio" the successor to Roman practices or of the "calcio fiorentino" popular in the 16th century. Whereas foot-ball is a winter sport for the gymnastic societies, "calcio" is a summer sport, reserved to Italians only. They enrolled essentially in northeast boroughs, in Piedmont and Lombardy. During two decades, until World War I, conflicts between the two groups revealed deeper struggles between two different conceptions of nation, economics and sports. The agreement in the Italian way which led to the creation of the Federazione italiana giuco calcio, the petty feuds and the progressive nationalisation of the game in the twenties, allowed calcio to assert itself as one of the essential achievements of the national Revolution during the twenty years of Fascism.
LE MARACANÃ, COEUR DU BRÉSIL, SERGIO LEITE LOPES
Le stade de Maracanã, construit pour la Coupe du Monde de 1950, a été érigé dans une des périodes de vie démocratique qu’a connues le Brésil. Le choix du site et de l’architecture a été un enjeu politique majeur tant sur le plan local que national, cette dernière dimension s’étant pour une part construite à travers le football et tout ce qui lui est associé dans ce pays. Le Maracana est devenu un lieu de sociabilité collective qui correspond à ce type de régime, exemplaire pour les autres ressorts de la sociabilité et de la vie publiques.
The Maracanã, heart of Brazil, Sergio LEITE LOPES
The stadium of Maracanã, built for the 1950 World Cup, was erected during one of the democratic periods Brazil has known. The choice of the site and architecture was a major issue locally as well as nationally, this latter dimension having been built through football and everything that is related to it in the country. The Maracanã became a place of collective sociability which goes along with that type of regime, an example for the other instances of public sociability and public life.
L’ARGENT DU FOOT, GILDAS LOIRAND
Le football français se trouve fortement marqué par le refus de la plupart des dirigeants de voir dans ce sport une activité économique ordinaire. Quels sont les fondements sociaux, historiques et institutionnels des attitudes face à la transformation des relations entre le milieu économique et footballistique ? Qu’en est-il plus particulièrement en France, notamment chez nombre de dirigeants bénévoles par lesquels la pratique de la compétition ne saurait être envisagée comme un métier ordinaire et en cela soumise aux règles communes du droit du travail ?
Soccer’s money, Gildas LOIRAND
French football is deeply marked by the refusal to see in this sport an ordinary economic activity. What are the social, historical and institutional basis of attitudes towards the changine in the relationships between the economic and footballistic circles? What about, more particularly in France, the numerous benevolent leaders, for whom the practice of competition cannot possibly be seen as an ordinary profession, subject to the common rules of work legislation?
LE SALUT PAR LE FOOT : OU LE FOOTBALL RATTRAPÉ PAR LES SECTES, NATHALIE LUCA
Depuis quelques années, on évoque, un peu partout en Occident, le problème de l’expansion internationale de sectes nouvelles qui exploitent, pour se développer, des voies séculières. Elles exploitent la situation politique, économique, sociale et culturelle des pays dans lesquels elles s’installent. C’est le cas notamment de l’Eglise de l’Unification, communément appelée secte Moon, apparue en Corée du Sud dans les années 50, en pleine période de guerre froide et dont la doctrine anticommuniste a facilité l’internationalisation. Trente ans plus tard, Jông Myông-Sôk (appelé par ses adeptes JMS, Jesus Morning Star), adepte de l’Eglise de l’Unification, décide de fonder un groupe dissident : l’Eglise de la Providence. Il s’adresse à un public estudiantin et vise lui aussi une audience internationale. Les temps de guerre froide étant révolus, il remplace l’anticommunisme de Moon par un engagement sportif. Ses cultes dominicaux se déroulent dans les stades des universités, autour de matchs de football dont l’enjeu rituel est la chute de l’anticommunisme, la réunification des deux Corées et, finalement, l’instauration du royaume de Dieu sur terre.
Salvation through football: or football caught by sects, Nathalie LUCA
For a few years, the problem of the international expansion of new sects which exploit, in order to develop, secular ways, has been raised everywhere in the Western world. They exploit the political, economic, social and cultural situation of the countries in which they settle. It is notably the case of the Church of the Unification, commonly known as the Moon sect, which appeared in South Korea in the 1950s, right during the Cold War period, and the internationalisation of which was made easy by its anti-Communist doctrine. Thirty years after, Jông Myông-Sôk (called JMS, Jesus Morning Star, by his followers), adherent of the Church of the Unification, decided to found a dissident group: the Church of Providence. He appeals to a student audience and also aims at an international audience. The Cold War times being over, he replaces Moon's anticommunism with sports commitment. His Sunday worship service takes place in university stadiums, around football matches, the ritual creed of which is the fall of anticommunism, the reunification of both Koreas and, finally the establishment of the realm of God on Earth.
LE FOOTBALL PROFESSIONNEL SAISI PAR LES MÉDIAS, DOMINIQUE MARCHETTI
Cette esquisse d’un programme de recherche s’inscrit dans un travail plus large sur les transformations du champ journalistique depuis le début des années 80 et les relations qu’il entretient avec d’autres espaces sociaux. À partir de l’étude de la médiatisation de deux sports professionnels – le football et, de manière plus secondaire, le basket , il s’agit, d’une part, de prendre la mesure des transformations qui ont affecté le sous-champ du journalisme sportif depuis les années 80, qu’il s’agisse de sa structure, du recrutement des journalistes, des contraintes (notamment économiques) de production et des modes de traitement de l’information sportive (montée de l’expertise et développement d’une conception plus “critique”). D’autre part, il convient d’analyser comment les médias, et surtout les chaînes de télévision, sont devenus un espace stratégique dans la production des “événements sportifs”, qui a des effets sur le fonctionnement même des espaces nationaux et internationaux des sports professionnels. Par exemple, ils contribuent de plus en plus aux représentations publiques du sport spectacle et favorisent au sein du sport professionnel des logiques économiques parfois concurrentes des logiques sportives.
Professional football seized by the media, Dominique MARCHETTI
This outline of a research program is part of a larger work on the transformations of the journalistic field since the beginning of the 1980s and the relationship it keeps with other social spaces. Based on the study of the media coverage of two professional sports —football and, and in a more secondary way, basketball—, the point is, on one hand, to measure up the transformations that have been affecting the under-field of sport journalism since the beginning of the 1980s, whether it concerns its structure, the recruiting of reporters, the constraints (mainly of economical order) of production and modes of handling sportive information (increase in expertise and development of a more "critical" conception). On the other hand, it seems necessary to analyse how the media, mostly television networks, have become a strategic space in the production of "sports events", which affects the very functioning of national and international spaces of professional sports. For example, they contribute more and more to public representations of sports shows and favour economic logic sometimes over sportive logic among professional sports.
L’ÉQUIPE D’ANGLETERRE, ENTRE LES CLUBS ET LA NATION, TONY MASON
L’Angleterre joue au football à un niveau international depuis 1870 mais les matches n’intéressèrent pas les Anglais jusqu’aux années trente et encore pas beaucoup d’entre eux et peu. Le monde du football d’après-guerre des Championnats d’Europe et des Coupes du Monde fit changer cela, du fait que le sport en général et le football en particulier étaient à la fois perçus comme symboliques du déclin de la Grande-Bretagne et comme une opportunité facile de retrouver influence et prestige. Mais ce changement, grandement occasionné par l’organisation de la Coupe du Monde en 1966, eut autant de coûts importants que de bénéfices. Le football de ligues en Angleterre était traditionnellement une affaire paroissiale. Le club de football était plus important pour les supporters que le football international, la Coupe des finales le plus gros événement de l’année. Les clubs payaient les joueurs et n’aimaient pas qu’ils jouassent dans l’équipe nationale, surtout après 1945 quand l’expansion du football international réclama de plus en plus de temps et d’énergie de la part des joueurs de clubs. Et le nombre de clubs augmentait également. Cet article se propose d’explorer historiquement les complexités des relations club-pays dans le contexte anglais et d’essayer de comprendre les identités bureaucratiques, géographiques, sociales et éventuellement nationales qu’elles reflétaient et promouvaient à la fois.
The English team, between clubs and the nation, Tony MASON
England have been playing international football since 1870 but their matches did not matter to the English until the 1930s and then not to many of them and not much. The post-war football world of European Championships and World Cups gradually changed that, as sport in general and football in particular seemed both symbolic of Britain's decline in the world and to provide an easy opportunity to regain influence and prestige. But this change, given great impetus by the staging of the World Cup in 1966, had important costs as well as benefits. League soccer in England was traditionally a parochial business. Club football was more important to football fans than international soccer, the Cup Final was the biggest game of the year. Clubs paid the players and did not like them playing for England, especially after 1945 when the expansion of international football led to increasing calls on the time and energy of club players. And the amount of club football was expanding too. This paper will explore with a historical approach the complexities of the club-country relationship in the English context and try to understand the bureaucratic, geographical, social and eventual national identities, which it both reflected and promoted.
LES NAVÉTANES AU SÉNÉGAL : OU LE FOOTBALL PARALLÈLE, ALIOUNE MBAYE
Au Sénégal, le modèle sportif dominant est celui des sports organisés par les fédérations délégataires du pouvoir d’Etat. Ce modèle présente cependant bien des limites eu égard à toutes les modalités de la demande sportive. Il existe, en outre, des pratiques qui se démarquent du système officiel et qui se caractérisent par des rencontres sportives se passant en général pendant la saison de pluies. Ce qui confère à ces pratiques un caractère saisonnier. D'où le nom de navétanes (du mot wolof nawete qui signifie saison des pluies). Les navétanes sont des pratiques massives.
Les noms des associations sont un révélateur de l'expression de l'identité culturelle qui s'exprime dans les navétanes. Auparavant, les ASC empruntaient les appellations des clubs de football européens et brésiliens. Aujourd'hui, les associations prennent des noms qui ont un sens traditionnel, national et territorial. La renomination des associations expriment une volonté de tourner le dos aux politiques assimilationnistes et d'infériorisation des cultures africaines, qui ont marqué une certaine façon de gérer les nations dominées.
Affirmation d'une façon singulière de pratiquer le football, recherche d'une identité culturelle ou territoriale, persistance des rituels magiques, une plus grande visibilité des femmes, les navétanes participent d’un vaste mouvement syncrétique.
The navétanes in Senegal: or parallel football, Alioune MBAYE
In Senegal, the dominant model, as far as sports are concerned, is the one of sports organised by government-delegated federations. This model presents however a number of limits regarding all the modalities of sportive demand. Furthermore, there are practices outside the official system, which consist in sportive encounters generally taking place during the rainy season. Which gives a seasonal character to these practices. Hence the word navétanes (from Wolof nawete which means rainy season). Navétanes are mass practices.
The names of the associations are relevant of the cultural identity expressed in navétanes. Before hand, the ASC used to call themselves after European or Brazilian clubs. Nowadays, the associations choose names which have a traditional, national and territorial meaning. The renaming of the associations is evidence of a will to turn their backs on policies of assimilation and inferiorisation of African cultures, which have marked a certain way of managing dominated nations.
As an assertion of a particular way of practising football, a desire for cultural or territorial identity, a persistence of magic rituals, a greater visibility of women, navétanes partake of a large syncretic movement.
LES FOULES DE GLASGOW, HERBERT MOORHOUSE
L'Écosse est l'un des berceaux du football moderne. Glasgow fut de très loin la ville britannique qui draina les plus énormes foules pendant au moins les soixante premières années de l'émergence des jeux comme sports de spectacle. L'Écosse bat encore plusieurs records en Grande-Bretagne et même en Europe quant à la taille des foules. Par conséquent, l'histoire et le développement de la foule dans ce petit état qui n'est pas une nation, "pays" du football, devraient présenter quelque intérêt pour tous ceux qui croient que le fait d'examiner les structures du football a le potentiel de fournir un aperçu significatif pour l'analyse des relations sociales à plus large échelle. Cependant, la foule écossaise est connue du monde entier – pour peu qu'elle soit reconnue – pour sa violence, ses rivalités ethniques et divisions religieuses. Comme c'est le cas pour ses paysages et son histoire, dans l'analyse footbalistique l'Ecosse est "consommée" en tant que sauvage, féroce, romantique et ancienne – l'antithèse même de la "modernité". A partir d'une enquête statistique auprès de la foule des Rangers FC en 1994, rassemblée grâce à une initiative européenne, à partir également d'une étude historique et d'autres enquêtes sociales, je me propose de faire deux choses dans ce travail, cet article est une critique positive de ces revendications au sujet de la relation qui perdure en Écosse entre les divisions ethniques historiques et contemporaines.
The crowds of Glasgow, Herbert MOORHOUSE
Scotland is one of the homes of modern football. Glasgow was far and away the leading British city for huge crowds for at least the first sixty years of the games emergence as a spectator sport. Scotland stills holds several British and, indeed, European records for the size of crowds. So, the history and development of the crowd in this small, non-nation state, football ‘country’ should be of interest to all those who believe that scrutinising the structures of football has the potential to provide insights of significance for the analysis of wider social relationships. However, around the world, in so far as it is recognised at all, the Scottish crowd is known for violence, and its connection to ethnic rivalry and religious division. As with its scenery and history, in football analysis ‘Scotland’ is ‘consumed’ as wild, savage, romantic, and ancient - the very antithesis of ‘modernity’. Using material from a survey of the crowd at Rangers FC in 1994, gathered as part of an initiative across Europe, from historical study, and from other social surveys, I intend to do two things in my review, this article is a critical appraisal of these claims about the continuing relation in Scotland and historical and contemporary ethnic divisions.
FOOTBALL ET COMMUNAUTARISME À BEYROUTH, FRANCK MOROY
Si, après quinze années de guerre, le Liban entame une double reconstruction physique (rénovation du tissu urbain) et morale (reconstitution du lien social et réconciliation intercommunautaire), les appartenances et les allégeances communautaires structurent encore profondément la société libanaise. L’observation des principaux clubs de football de Beyrouth montre combien le confessionnalisme demeure à la fois un support de la partisanerie sportive et un élément structurant de l’identité des supporters. Mais, s’il est dominant, le référent communautaire ne saurait rendre intelligible à lui seul les dynamiques et tensions affectant le football beyrouthin : de multiple registres de l’action relevant, notamment, du champ socio-politique y sont sous-jacents et s’y enchevêtrent.
Football and communalism in Beirut, Franck MOROY
If, after fifteen years of war, Lebanon begins a double reconstruction, physical (renovation of the urban tissue) and moral (reconstitution of the social link and inter-communities reconciliation), the communal memberships and allegiances still deeply structure the Lebanese society. The observation of the major football clubs in Beirut shows how much religion remains both a support for sports sectarism and an element of structure for the supporters' identity. But even though the communal referent is prominant, it is not enough to make dynamics and tensions affecting Beirutian football understandable by itself: multiple records of action —notably relevant of the socio-political field— are underlying and interconnected.
LE FOOTBALL EN PAYS VAUDOU : LE BÉNIN, ADOLPHE OGOUYON
Après leur indépendance, les nations africaines reconduisaient les structures de l'État colonial. Cependant, dans le fonctionnement des sociétés et dans leur rapport à l'espace, les pratiques et les représentations traditionnelles perdurent et jouent un rôle très important qui se retrouve également dans le football. Ce sport, produit d'importation, est le plus pratiqué de toute l'Afrique Noire. Le football africain loin de constituer une rupture par rapport aux différentes composantes des sociétés locales, se singularise en les intégrant à son développement, comme, par exemple, au Bénin.
Le Bénin est le berceau du vaudou. Parallèlement, christianisme et islam y sont pratiqués et la vie quotidienne des populations, urbaines en particulier, est un véritable mélange des héritages de la période coloniale et des valeurs traditionnelles. Ici, comme nulle part ailleurs, les traditions locales imprègnent fortement le football. Chaque événement est l'occasion d’une célébration et le football n'y échappe pas. Chants et danses populaires participent à l'animation des rencontres amplifiées des apports d'aides mystiques et occultes.
Football in Voodoo country: Benin, Adolphe OGOUYON
After their independence, African nations reconducted the Colonial State structures. However, in the functioning of societies and in their relationship with space, traditional practices and representations last and play a very important role, which are also present in football. This sport, an imported product, is the most widely practised sport in Black Africa. African football, far from being a break in other local societies' components, sets apart by integrating them to its development, like, for instance, in Benin.
Benin is the cradle of voodoo. In parallel, Christianism and Islam are common practice and everyday life for people —urban population in particular— is a real melting pot of heritage from the colonial days and traditional values. There, like nowhere else, local traditions strongly impregnate football. Every event is an opportunity for celebration and football is one. Popular singing and dancing partake to the animation of matches magnified by added mystical and occult helpers.
LES MATCHS SUR LE PETIT ÉCRAN, FRANÇOISE PAPA
La télévision a profondément renouvelé notre regard sur le match de football au fil de l’évolution des techniques de l’image mais aussi de la concurrence entre les chaînes de télévision pour lesquelles le football est devenu un enjeu premier. Notre vision du match s’est en effet aiguisée : alors que s’impose en Europe un style de réalisation initié par Canal plus, alors que la télévision se rapproche du jeu et des joueurs, grâce aux informations techniques qui accompagnent aujourd'hui la retransmission de tout match de football, le téléspectateur, de supporteur tend de plus en plus à devenir un expert. Au delà des approches centrées sur l’esthétique du match et sur les qualités de réalisation, il est aujourd’hui nécessaire de resituer les choix de réalisation opérés par les chaînes de télévision dans la logique de différenciation concurrentielle qui les guide.
Matches on television screen, Françoise PAPA
Television has deeply renewed our way of watching a football match with the evolution of image-related techniques as well as with the competition between TV networks for which football has become a major stake. Our vision of the match has indeed become more acute : while a certain style of production, initiated by Canal+, has spread all over Europe, while television gets closer to the game and to the players, thanks to the technical information that goes along with the broadcasting of any football match, the television viewer tends to turn from a supporter more and more into an expert. Beyond approaches focused on the aesthetic of the match and on the qualities of the production, it is now necessary to resituate the choices of production made by television networks into the logic of competitive differentiation which is guiding them.
“APPRENDRE PAR CORPS”, NICOLAS RENAHY
L’observation ethnographique des modes d’apprentissage du football montre combien les pratiques sportives se transmettent de manière mimétique. Le corps joue à cet égard un rôle prédominant comme instrument de jeu et comme moyen d’acquérir le sens du jeu.
“To learn by body”, Nicolas RENAHY
The ethnographic observation of football learning modes proves how much sportive practices are transmitted in a mimetic way. In this respect the body plays a prominent part, as an instrument of the game as well as a means to get the feeling of the game.
LES CENTRES DE FORMATION DES CLUBS. LES CONTRADICTIONS D'UN ENJEU NATIONAL, HASSEN SLIMANI
L'existence et le maintien des Centres de formation des clubs professionnels de football en France constituent un enjeu national pour deux raisons majeures. Premièrement, ils permettent à ces clubs - au nom de la formation professionnelle - de recevoir des fonds publics alloués le plus souvent par les collectivités territoriales. Deuxièmement, ces enjeux identifient la spécificité du football “à la française” qui reste marqué par une préférence accordée à la production locale de talents sportifs plutôt qu'au recrutement de joueurs étrangers. Les Centres de formation face à la dérégulation du marché footballistique au niveau européen se trouvent au coeur de contradictions multiples. À commencer par celle qui voit la manne financière consentie par les municipalités et des Conseils généraux ne pas atteindre son but initial en raison de la “fuite” de joueurs vers des clubs français “à gros budget”, ou encore au delà des frontières. En effet, les profits économiques et symboliques attendus des centres de formation sont rarement obtenus.
On voudrait détruire certains mythes attachés au processus de formation français en montrant, par exemple, qu'il est inutile de mettre en balance la réussite sportive et la réussite scolaire puisque cette dernière est déjà jouée avant l'entrée des jeunes footballeurs dans les centres. Ceci n'exclut pas la consécration institutionnelle de ceux qui, issus des classes populaires et misant tout sur le football, n'auraient jamais atteint un niveau scolaire équivalent dans un cursus classique. Et il est tout aussi illusoire de penser que le niveau de diplôme obtenu en cours de formation facilite la reconversion des joueurs en fin de carrière. Pour la plupart d'entre eux, en effet, la sortie du professionnalisme s'inscrit dans la continuité de leur carrière comme entraîneur professionnel ou plus souvent “amateur”.
En outre, le système de détection développé par les ligues régionales, et plus récemment les Centres de préformation, sensibilise de plus en plus des catégories de joueurs issus des classes sociales moyennes où l'aspect éducatif de l'apprentissage sportif prime sur la dimension compétitive plus présente au sein des classes supérieures et populaires. Ainsi, l'éclosion de joueurs professionnels sur-diplômés - en cela plus aptes à obtenir des Brevets d'État d'Éducateurs Sportifs, moins accessibles par le passé - “naturalise” la reproduction des futurs cadres du professionnalisme. Pour eux, il s'agit en effet “de rendre au football tout ce que le football leur a donné”.
Professional clubs' training centres. The contradictions of a national issue, Hassen SLIMANI
The existence and the keeping of professional football clubs' training centres in France are a major national issue for two main reasons. First, they allow these clubs —in the name of professional training— to receive public funds, allotted by local government organisations most of the time. Secondly, these issues identify the specificity of "French football" which remains marked by the preference given to the local production of sportsmen's talents rather than recruiting foreign players. Training centres, faced with the deregulation of the footballistic market in Europe, find themselves at the heart of multiple contradictions. To begin with the one that sees the financial help allotted by town authorities and local Councils not meet its original purpose because of the "leak" of players towards French or foreign clubs’"big budgets". Indeed, the economic and symbolic profits expected by training centres are seldom fulfilled.
We would like to put an end to certain myths about the French training process by demonstrating, for example, the uselessness of opposing success in sports to success at school, since the latter is already over before young footballers arrive at the centres. This doesn't exclude the institutional consecration of those coming from lower middle classes and putting all their hopes into football, who would never have reached an equivalent school level in an ordinary cursus. And it is as illusory to think that the level of diploma obtained in the training centres makes the reconversion of players any easier at the end of their career. For most players, the end of a professional career in football is naturally followed by a career as a professional or "amateur" training expert or coach.
Furthermore, the detection system developed by local leagues, and more recently by pre-training centres, growingly heightens the awareness of players from a middle-class social background where the educational aspect of sports training is more important than the competitive dimension which is more present among upper or lower middle-classes. Hence, the emergence of over-graduated professional players —more able to pass national diplomas as sports educators— allows the "natural" reproduction of future football executives. Actually for them, the issue is to "give football back everything football has given them".
LE FOOTBALL, MIROIR DE LA SOCIÉTÉ ALLEMANDE. ALBRECHT SONNTAG
Nation au passé difficile, "nation à contrecoeur" selon la formule d'Etienne François, l'Allemagne d'aujourd'hui vit une quête d'identité collective quasi-permanente. Dans le vide identitaire entre le tabou national et le besoin de se sentir nation, les Allemands se sont refugiés dans deux exutoires leur permettant dans un procédé de sublimation de ressentir un sentiment d'appartenance nationale qu'ils ne se donnaient pas le droit d'exprimer ailleurs: la réussite industrielle et économique symbolisée par le D-Mark et la réussite sportive incarnée par la Nationalmannschaft. Reflet fidèle des valeurs et vertues que s'attribue le peuple allemand, le football n'en est pas moins le miroir déformant d'un idéal de soi forgé pendant le miracle économique des années 50 et 60, mais fortement mis en cause par les mutations du monde d'aujourd'hui.
Football, mirror of the German society, Albrecht Sonntag
A nation with a difficult past, a "reluctant" nation as Etienne François has put it, modern Germany is on a quasi-permanent quest for a collective identity. In the identity void between the national taboo and the need to feel whole as a nation, the Germans took refuge in two outlets allowing them, through a process of sublimation, to experience a feeling of national belonging that they used to forbid themselves to express anywhere else : the industrial and economic success symbolised by the D-Mark and the sportive success symbolised by the Nationalmannschaft. True mirror of the values and virtues claimed by the German People, football is also the distorting mirror of a self ideal formed during the economic miracle of the 1950s and 60s, but seriously questioned by the mutations in today's world.
UN PROFESSIONNALISME DE RÉSIGNATION EN FRANCE, PIERRE WAHL
Le professionnalisme s’est instauré tardivement en France. Les sports anglais étaient, à l’origine, l’apanage exclusif des couches élevées de la sociétés. Le sportif était un amateur et devait le rester. La création d’une fédération et de compétitions indépendantes des autorités officielles du football et le succès croissant des matchs ont obligé l’establishment de ce sport, à la suite de nombreuses résistances et avec beaucoup de réticences, à accepter le professionnalisme.
A resigned professionalism In France, Pierre WAHL
Professional sport was born belatedly in France. English sports used to be the exclusive privilege of the upper classes. The sportsman was an amateur and had to remain that way. The creation of a federation and of competitions independent from football official authorities, along with the growing success met by matches, forced the sports establishment, after much resistance and reluctance, to accept professionalism.
DU MONOPOLE FÉDÉRAL AU PARTAGE DU POUVOIR SPORTIF, ANNE-MARIE WASER
Lorsque le tennis était pratiqué, regardé et financé presque exclusivement par l’aristocratie et la bourgeoisie, les dirigeants n’ont pas eu de difficultés à maintenir le principe de l’amateurisme et à exercer un pouvoir monopolistique. L’ouverture du tennis à d’autres catégories sociales et l’internationalisation de ce sport amènent les dirigeants des pays européens à accepter des compromis avec des bailleurs de fonds qui font du tennis un spectacle grand public. Après une période durant laquelle fédérations et entrepreneurs de spectacle se sont lancés des procès au nom de la loi de la libre concurrence, les ennemis d’hier ont accepté de partager le pouvoir avec l’association des joueurs professionnels (l’ATP). Les dirigeants fédéraux ont besoin des capitaux financiers qu’apportent les entrepreneurs de spectacles et ces derniers ne pourraient commercialiser le spectacle s’il n’y avait pas de publics suffisamment sensibilisés pour apprécier ce jeu, d’éducateurs et de dirigeants bénévoles pour former des joueurs et d’autorités qui puissent créer et conserver, par la production de titres sportifs, une valeur symbolique forte.
From a federal monopoly to the sharing of sport's power, Anne-Marie WASER
When tennis was practised, watched and financed almost exclusively by the aristocracy and the bourgeoisie, leaders didn't have any difficulties to keep to the principle of amateurism and to exert a monopolistic power. The opening of tennis to other social classes and the internationalisation of this sport brought the leaders of European countries to accept arrangements with financial backers who turned tennis into a large audience entertainment show. After a while, during which federations and show business producers kept making law suits against one another in the name of free market competition, the ex-enemies agreed to share power with the professional players association (ATP). Federal leaders need financial funds brought by entertainment producers who wouldn't be able to commercialise the show if there were not enough people in the audience to appreciate the game or benevolent leaders to train the players or authorities able to create and keep, by means of producing sportive titles, a strong symbolic value.