Sociétés & Représentations n° 4, résumés/abstracts
REMETTRE À DEMAIN, VÉRONIQUE NAHOUM-GRAPPE
Dans cet article, l’auteur tente de définir la nuit comme cadre particulier de l’expérience sociale. Le thème de la nuit est donc, ici, saisi d’un point de vue de sciences sociales dans une analyse descriptive qui propose une hypothèse sur ce qu’on pourrait appeler “remettre à demain”. Pourquoi le buveur décide-t-il d’arrêter demain ? Pourquoi pas ce soir même ? Cet imaginaire matinal et diurne de la bonne décision joue un rôle central dans la possibilité de la “rechute” nocturne et ne prend tout son sens que si l’on définit la nuit d’un point de vue de sciences sociales et non pas seulement littérairement ou de manière purement géophysique.
POSTPONING TILL THE NEXT DAY, Véronique Nahoum-Grappe
In this article, the author tries to define the night as a particular frame for social experience. The theme of the night is thereby taken from the social sciences point of view in a descriptive analysis that proposes an hypothesis about what could be called “postponing till the next day”. Why does the drinker decide to stop tomorrow? Why not tonight? That morning imaginary of the right decision plays a prominent role in the possibility of a night “relapse” and takes its full meaning if one defines the night as regard to social sciences and not only to literary or merely geophysical terms.
LES BUTOIRS DE LA PENSÉE, FRANÇOISE HÉRITIER
Dans cet entretien, Françoise Héritier définit la différence nuit / jour dans sa dimension anthropologique. Cette opposition, comme celle de la différence des sexes, thème d’étude de l’auteur, produit à l’intérieur d’une culture donnée toute une série de significations organisées en chaînes d’oppositions, dont l’anthropologie peut décrire les règles de fonctionnement. Il est donc logique que le jour soit toujours défini comme plus chaud, plus sec, positif, masculin, “politique” ... que la nuit jugée plus froide, plus humide, négative, féminisée, irrationnelle..., ce dans la plupart des cultures connues. Car le masculin n’est jamais le symétrique égal du féminin.
THE BUFFERS OF THE MIND, Françoise Héritier
In this interview, Françoise Héritier analyses the difference night/day in its anthropological dimension. This opposition, as in the differences between sexes —the author’s field of studies— produces, inside a given culture, a series of meanings organised in lines of opositions of which anthropology can describe the rules of functioning. It is therefore logical that the day be always defined as warmer, dryer, positive, masculine, “political”... that the night be judged colder, more humid, negative, feminine, irrational..., this in most known cultures. For the masculine is never the symmetrical equal of the feminine.
L’AMBIGUÏTÉ NOCTURNE, PATRICK BAUDRY
La nuit est l’occasion d’une imprécision qui fait pendant à la dureté de la journée : elle permet la négociation d’un rapport au monde, son habitation. Parce qu’elle relève aussi de la continuité de l’être, bien plus qu’en raison de la rupture qu’elle introduit avec la vie sociale, elle provoque l’angoisse. Cette implication fondamentale de l’homme dans la nuit est aussi ce qui porte à la responsabilité liée à la destinée dont témoignent les gens de l’ombre. Cette destinée d’une humanité dans une existence nocturne signifie, au delà de l’opposition jour / nuit, la situation terrestre de la création collective.
THE AMBIGUITY OF NIGHT, Patrick Baudry
The night is the opportunity of an imprecision that balances the hardships of the day: it allows the negotiation of a relationship to the world, its inhabitation. It provokes anxiety, rather because it supposes the continuity of being, than because of the break it brings into social life. This basic involvement of Man with the night is also what leads to the responsibility linked to fate, of which the people of the dark testify. That fate of a humanity in a nocturnal existence means, beyond the day/night contrast, the terrestrial situation of collective creation.
AVEC LES OMBRES DE LA NUIT, CLAUDE HABIB
Face aux dangers spécifiques que la nuit comporte pour les femmes, il existe trois positions possibles. La première est la solution traditionnelle de la protection des femmes et de la séparation des sexes. La deuxième est le refus féministe de reconnaître non pas la réalité mais la légitimité de ce danger : il n’y a aucune raison pour que les femmes fassent l’objet d’un traitement discriminant. Une troisième position s’esquisse aujourd’hui, fondée sur l’expérience individualiste et libérale de la différence des sexes.
WITH THE SHADOWS OF THE NIGHT, Claude Habib
As far as the dangers of night specific to women are concerned, there are three possible positions. The first one is the traditional solution of protecting women and separating sexes. The second one is the feminist denial of —not the reality but— the legitimacy of this danger: there is no reason for women to be the object of a discriminating treatment. A third stand is arising today, grounded on the individualistic and liberal experience of the difference between sexes.
VIVRE LA NUIT, ARLETTE FARGE
La nuit est peuplée d’activités économiques : on s’y affaire du crépuscule à l’aube, car le peuple du XVIIIe siècle - quasi “nomade” - , se déplace constamment pour assurer son travail. Mais la nuit, dangereuse et surveillée, est aussi choisie “politiquement” par la monarchie pour y accomplir des actes de contrôle et d’assainissement que la population ne laisserait pas faire de jour. La nuit est encore celle de la faute avouée par ceux qui, au petit matin, seront suppliciés sur la roue.
LIVING AT NIGHT, Arlette Farge
The night is full of economical activities: business goes on from nightfall to dawn, because the 18th century people —pratically “nomadic”— are constantly on the move to work. But the night is dangerous and under surveillance, and is also “politically” chosen by the monarchy to carry out acts of control and cleaning that the people would not allow during daytime. Furthermore, the night is the time of the confession to the crime by those who will be tortured on the wheel the next morning.
LES NOCTAMBULES PARISIENS, SIMONE DELATTRE
Des années 1820 à 1860, la nuit parisienne est un territoire de conquête pour la modernité et la rationalité urbaine. Sa domestication progressive par l’artifice technique et par le le regard policier visent à rendre la rue nocturne plus vivable. Le noctambulisme élégant des viveurs et des dandies y rencontre, dès la monarchie de Juillet l’animation, le luxe et le confort nécessaires à la pratique euphorique d’une vie à contretemps. Tandis que la majorité des Parisiens, bourgeois frileux ou ouvriers écrasés par la longueur de la journée de travail, s’effacent de la scène citadine en consacrant leurs nuits au sommeil et en se repliant dans l’espace privé, les lieux publics sont investis par une minorité voyante de jouisseurs qui voient dans la nuit, non pas un temps mort, mais le comble du temps libre, le support d’une recherche de la distinction oisive. La ritualisation des parcours distingués sur le Boulevard, et même l’encanaillement que l’on va chercher dans les cabarets des Halles centrales, font de la nuit le temps suprême de l’hédonisme dont la capitale est devenue le centre. Dans le même temps, une bohème rêveuse se plaît à l’exploration des dessous ombreux de la grande ville, et revendique la libre déambulation dans un Paris obscur qu’elle craint de voir “désenchanté” par la banalisation des usages de la nuit festive et par la normalisation de l’espace public : elle est condamnée à une réinvention permanente de l’insolite parisien.
PARISIANS NIGHT BIRDS, Simone Delattre
From the 1820’s throughout the 1860’s, the Parisian night is a territory to conquer in terms of urban modernity and rationality. Its gradual taming, thanks to the contrivance of technique and the eye of the police, aims at making the streets more “liveable” at night. With the Monarchy of July, the elegant noctambulant pleasure-seekers and dandies are free to find the animation, luxury and comfort necessary to a euphoric practice of night life. While the majority of Parisians, chilly bourgeois or workers exhausted by a long day’s work, leave the city scene at night time and withdraw in their private spaces to sleep, public places are invaded by a minority of sensualists who view the night not as a dead time but as the essence of life, the frame of a search for idle distinction. The ritualization of distinguished walks on The Boulevard, and even the bad company seeked in the cabarets of the Halles in the city centre, make the night in Paris the supreme time and place for hedonism. In the meantime, dreamy bohemians enjoy exploring the shady underground of the big city, and lay claim to free sauntering in a dark Paris which they fear to see becoming “disenchanted” by the standardisation of night life pleasures, and by the normalisation of public space: they are doomed with having to endlessly reinvent an unwonted Paris.
DUALITÉ DE LA NUIT, DUPLICITÉ DE LA VILLE, JULIA CSERGO
Au tournant du XIXe et du XXe siècles, l’artifice lumineux n’a pas définitivement converti l’imaginaire de la nuit ; davantage encore, il a constitué en ressource touristique le thème de l’ambivalence de la ville, ce mythe que l’on aurait pu croire rendu caduque par la modernisation urbaine, mais qui persiste comme si la démolition du Paris des cloaques et de la misère n’avait pas réussi à balayer la noirceur légendaire d’une ville pourtant dominée par les représentations du festif et du ludique. Affirmer que la nuit abolie a peut-être fait naître un désir de ténèbres serait sans doute hasardeux ; mais elle n’a en tout cas pas fait disparaître de l’imaginaire social le thème de la révélation souterraine et nocturne, en creux et en négatif, d’une duplicité de la ville dont l’appréhension se trouve différée à un horaire compris entre 1 heure et 5 heures du matin.
DUALITY OF THE NIGHT, DUPLICITY OF THE CITY, Julia Csergo
At the turn of the 20th century, the street-lighting artefact has not yet changed the imaginary of the night; moreover, it turned into a touristic resource the theme of the ambivalence of the night, that myth one would have thought to have been made obsolete by urban modernisation, but which still persists as if the demolition of the Paris of slums and misery had not succeeded in sweeping away the legendary darkness of a town otherwise dominated by representations of carousing and playing. To state that the abolition of the night has aroused a longing for darkness might be a bit rash; but it hasn’t eradicated from society’s imagination the theme of the nocturnal and underground revelation, inverted as a negative film, the duplicity of a city which is best apprehended between one and five A.M.
L’ATTAQUE NOCTURNE, DOMINIQUE KALIFA
Figure extrême de la violence et de la dangerosité urbaine, l’attaque nocturne se hisse entre 1880 et 1914 au cœur d’un système de représentations multiforme et prolixe. Sur-représentée et rapidement codifiée, elle s’impose comme un motif insistant de la conscience sociale. S’il relève pour une partie d’un imaginaire “primitif”, où la nuit tient une part décisive, et témoigne également du besoin d’objectiver ses frayeurs, le stéréotype qui se fixe alors est aussi aux sources de discours (la rhétorique sécuritaire) et, de pratiques, notamment policières et privées, propres à la modernité urbaine.
NIGHT AGRESSION, Dominique Kalifa
An extreme figure of urban violence and danger, the agression by night rises, between 1880 and 1914, at the heart of a multiform and prolix system of representations. Over-represented and rapidly codified, it imposes itself as an insistent motif of social consciousness. The stereotype that is formed then —even if partly relevant of a “primitive” imagination and the need to give objectivity to one’s fears— is also at the root of discourses (the rhetoric of safety) and of police and private practices, particular to urban modernity.
AVEUGLÉ PAR LA HAINE, YVES POURCHER
Les soldats de la Première Guerre Mondiale ont vécu des nuits troublées par le vacarme et les éclairs des bombardements. En octobre 1918, l’un d’entre eux, un caporal autrichien, subit l’épreuve des gaz. Hitler, blessé, perd puis recouvre la vue. Il redevient aveugle quand il apprend la défaite de l’Allemagne. De ces nuits successives, Hitler ne garde que les couleurs terribles de la haine. Il y dessine ce sinistre drapeau à croix gammée que des individus de plus en plus nombreux se chargent d’agiter. Dans les immenses rassemblements qui se forment, des hommes, les témoins oculaires - Ernst Weiss, Norbert Elias, Denis de Rougemont, mais aussi Albert Speer - découvrent le culte nocturne et les obsessions visuelles de celui qui avait été un soldat gazé. La nuit est devenue horrible.
BLINDED BY HATRED, Yves Pourcher
Soldiers of World War I went through nights troubled by uproars and lightnings of bombardments. In October 1918, one of them, an Austrian corporal, experiences the ordeal of gas. Hitler, wounded, loses, then recovers sight. He becomes blind again when informed of Germany’s defeat. Of these successive nights Hitler will only remember the terrible colours of hatred. He draws on them the ominous swastika flag that more and more individuals undertake to wave. During the huge meetings starting to take place, men, eye witnesses —Ernst Weiss, Norbert Elias, Denis de Rougemont, but also Albert Speer— discover the night cult and the visual obsessions of the one who had once been a gassed soldier. The night became horrific.
LA NUIT DES BARRICADES, INGRID GILCHER-HOLTEY
Cette analyse du mouvement de Mai 68 en France porte sur le processus de mobilisation. L’extension des protestations étudiantes dans le monde du travail, qui représente une particularité de cette dynamique, se réfère au modèle qu’a élaboré Pierre Bourdieu pour étudier ce qu’il a appelé “le moment critique”. La “nuit des barricades” sert d’exemple pour tenter d’expliquer l’effet de synchronisation des “événements critiques”. La mise en relation entre “l’événement” et la structure permet de reconstituer le cheminement qui, dans la “nuit des barricades”, transforme un conflit universitaire en une crise sociale généralisée. L’exemple permet d’établir que l’événement critique n’est pas nécessairement déterminé par les structures sociales, comme Bourdieu l’affirme, car le processus de synchronisation est lié à des attitudes et dispositions collectives. Outre les structures mentales, la “structure des idées”, qui peut être activée dans des moments exceptionnels, acquiert une importance décisive dans le processus de mobilisation.
THE NIGHT OF THE BARRICADES, Ingrid Gilcher-Hotley
The author analyses the dynamics of the May 1968 movement in France, referring to Pierre Bourdieu’s model of the “critical event”. The “night of the barricades” (10/11 May) is taken as an example to develop systematically the effect of synchronization produced by a “critical event”. The combination of events and structural strains, enables to reconstruct the process which transformed, during the “night of the barricades”, a universitarian conflict into a general social crisis. The case study shows that the “critical event” is not necessarily predetermined by structural strains, as Bourdieu’s model suggests, but that the process of synchronization produced by the “critical event”, also depends on collective attitudes and mentalities. Cognitive orientations, which can be suddenly activated in extraordinary moments, are decisive elements in the process of mobilization.
CHANSONS DE PARIS LA NUIT, JEAN-LOUIS ROBERT
À partir d’un corpus de chansons sur Paris aux XIXe et XXe siècles, l’auteur tente de déceler l’imaginaire nocturne que ce type de source construit et véhicule. Il plante le décor de la ville et met en scène ses acteurs, leurs gestes, leurs activités. Cette analyse lui permet de distinguer un double registre de la nuit urbaine, à la fois violente et consolatrice car abolissant partiellement les hiérarchies. Grâce aux chansons, tout le cycle nocturne est déroulé, étape par étape, chacune campée dans sa lumière propre et son atmosphère particulière.
SONGS ABOUT PARIS AT NIGHT, Jean-Louis Robert
From a corpus of 19th and 20th century songs about Paris, the author tries to guess the nocturnal imaginary built and carried by this type of source. He fixes the setting and directs his actors, their movements, their activities. This analysis allows him to distinguish two faces of urban night, both violent and soothing, for it partly abolishes hierarchies. The whole cycle of the night unfolds thanks to songs, step by step, each standing in its own light and particular atmosphere.
LA NUIT DE GASPARD, MAX MILNER
Si la nuit est omniprésente dans Gaspard de la nuit, ce n’est pas parce que ce recueil de poèmes en prose se place sous l’égide d’un personnage censément diabolique. Ce n’est pas non plus qu’Aloysius Bertrand soit particulièrement sensible à la poésie cosmique du ciel nocturne. La nuit de Gaspard est toujours relative à l’homme, soit qu’elle le protège, soit qu’elle mette en valeur ses faits et gestes, se détachant fugitivement sur un environnement ténébreux, soit qu’elle enfante des fantasmes traduisant ses hantises profondes. Dans tous les cas, c’est grâce à une fantasmagorie visuelle grâce à des effets de clair-obscur, grâce à un jeu de cacher-montrer, que Bertrand fait surgir de la nuit des images d’une étrange poésie, dont la discontinuité s’accorde admirablement avec l’art naissant du poème en prose.
GASPARD’S NIGHT, Max Milner
If night pervades every single page of Gaspard de la nuit, it is not because this collection of prose poems stands under the aegis of a supposed devilish character. Nor is it due to the fact that Aloysius Bertrand was particularly sensitive to the cosmic poetry of the night sky. Gaspard’s night is always connected to man, be it to protect him, or to highlight his actions set off against a dark background, or to give birth to fantasies expressing his innermost feelings and urges. In any case, it is through optical fantasmagoria, chiaroscuro, a game of hiding and showing, that Bertrand conjures up strangely beautiful images, admirably suited —in their discontinuity— to the nascent art of prose poetry.
NOCTURNE VISCONTIEN, SUZANNE LIANDRAT-GUIGUES
Les Nuits blanches (1957) et Rocco et ses frères (1960) sont apparemment des films de Visconti si dissemblables que la critique les a généralement opposés. On a déploré dans le premier l’abandon de la veine néo-réaliste dont on a salué le retour dans le second. Paradoxalement, l’image de la nuit qu’ils proposent est ce qui les rapproche puisque l’un développe ce que l’autre relègue dans ses marges. Une surprenante osmose s’établit : à la violence des nuits de Milan, accompagnées de viol et de meurtre, s’unissent les canaux embrumés et le décor artificiel des flâneries nocturnes des Nuits blanches.
VISCONTI’S NOCTURNE, Suzanne Liandrat-Guigues
The White nights (1957) and Rocco and his brothers (1960) are two films by Visconti so different that critics have generally put them poles apart. In the first one they regretted the renunciation to the neo-realist style, the coming back of which they saluted in the latter. Paradoxically, the image of the night these two films carry is what makes them comparable since one develops what the other chooses to consign on the fringe. A surprising osmosis occurs: the violence of the nights in Milan, with rape and murder, combines with the foggy canals and the artificial set of the nocturnal sauntering in the White nights.
PROMENADE AVEC LA NUIT ET LA PEUR, GILLES MENEGALDO
La nuit est un domaine d’expression privilégié pour Jacques Tourneur, cinéaste protéiforme, auteur de quelques films noirs mémorables, mais particulièrement inspiré dans le domaine du fantastique. La nuit devient, dans The leopard man ou dans Night of the demon, l’occasion d’une confrontation tragique avec une altérité inquiétante ou, parfois d’un parcours initiatique. La mise en scène du nocturne joue des incertitudes de la perception, du brouillage des limites, de la relation entre visible et invisible, silence et bruit, pour créer, non seulement un sentiment de malaise, d’horreur ou de terreur, mais pour suggérer l’existence d’une autre réalité en marge du monde connu, ou tapie dans les profondeurs de l’être.
A WALK WITH NIGHT AND FEAR, Gilles Menegaldo
Night is a priviledged mode of expression for Jacques Tourneur, a protean film maker, the author of a few memorable “films noirs”, also quite inspired in the field of the fantastic. In such films as The leopard man or Night of the demon, the night is the occasion for a tragic confrontation with an uncanny alterity, or sometimes for an initiatic trip. The staging of the nocturnal plays upon the uncertainties of perception, the blurring of limits, the relation between the visible and the invisible, between sound and silence, not only to convey a feeling of uneasiness, horror or terror, but also to suggest the existence of another reality at the fringe of the known world, or hiding in the depths of the being.
LA NUIT EN “NOIR”, JEAN-BERNARD POUY
Le roman noir s’occupe du sombre, de la nuit, mais pas de cette obscurité qui naît quand on ferme les yeux. Et si on ne peut pas dire que c’est une littérature de jour, on peut néanmoins être persuadé que c’est une littérature de nos jours.
THE NIGHT “IN BLACK”, Jean-Bernard Pouy
The “black” novel —or thriller— deals with darkness, night, but not with that obscurity which occurs when closing one’s eyes. And if one cannot call it a day literature, one can nevertheless be persuaded that it is a literature of nowadays.
“UNE AFFAIRE TÉNÉBREUSE”, Muriel Carduner-Loosfelt
Cet article met en perspective un fait réel, le crime des sœurs Papin, avec sa représentation dramaturgique. L’articulation entre le crime et son adaptation théâtrale et cinématographique - Les bonnes de Jean Genet et La cérémonie de Claude Chabrol - permet de saisir comment l’écrivain, l’artiste, se servent de la nuit, du nocturne, pour élaborer une mise en abîme de la pulsion criminelle et inventer une image de la violence, en l’occurrence de la violence féminine.
“A GLOOMY AFFAIR”, Muriel Carduner-Loosfelt
This article is a putting in perspective of a real event, the crime of the Papin sisters with its dramatized representations. The articulation between the murder and its stage and cinema adaptation —The maids by Jean Genet and The ceremony by Claude habrol— enables us to understand how the writer, the artist, use the night, the dark, to elaborate a viewpoint of muredr drive and invent an image of violence, in the circumstances feminine violence.
LA SOIRÉE, ISAAC JOSEPH
Comment penser ce deuxième temps de la journée, ce deuxième réveil que nous appelons la soirée ? De quel passage nous parle-t-elle ? Et de quelle manière ce passage serait-il la transformation : matière sensible des représentations ou matière sociale des rencontres et des relations ? Comment pourrait-on séparer, dans l’expérience de la soirée, ce qui relève du cadre perceptif et ce qui concerne la sociologie des sens, c’est-à-dire le langage des visibilités et des rumeurs, des attractions et des répulsions, du tact, des prises et des retraits ?
THE EVENING, Isaac Joseph
How to think that second part of the day, that second awakening we call evening? What transition does it mean to us? And of what matter would this transition be the transformation of: the sensitive matter of representations or the social matter of meetings and relationships? How could one separate in the experience of the evening, what is relevant of the perceptive frame and what concerns the sociology of senses, that is to say the language of visibility and rumours, of attractions and repulsions, of tactfulness, of taking and withdrawing?
LA NUIT DE NOËL, MARTYNE PERROT
Célébrant le passage de l’obscurité à la lumière puisqu’elle correspond au solstice d’hiver, la nuit de Noël est celle d’un syncrétisme intense qui mêle différents motifs dont les origines sont parfois celles des premiers cultes de l’humanité tissés avec ceux des Noëls chrétiens. Pour cette raison elle est paradoxale, violente et pacifique, sombre et lumineuse, exacerbant les antagonismes tout en renforçant les solidarités. Elle dramatise ainsi une scène sociale dont elle exaspère les contextes et met en relation de façon ritualisée les rôles, les statuts et les générations : famille et solitaires, riches et pauvres, enfants et adultes, laïcs et religieux. L’enfant, grand acteur de cette nuit, reste le médiateur adulé qui assure traditionnellement le passage de la vieille année à la nouvelle, symbolisée par celui des morts aux vivants.
CHRISTMAS NIGHT, Martyne Perrot
Celebrating the transit from darkness to light, since it comes with the winter solstice, Christmas night is the night of an intense syncretism that mixes different patterns, the origins of which are sometimes to be found in the first cults of humanity woven with Christian Christmases. For this reason, it is paradoxical, violent and pacific, dark and bright, exacerbating antagonisms while reinforcing solidarities. It thus dramatizes a social scene and exasperates its contexts, it relates in a ritualized way to roles, status and generations: families and singles, rich and poor, children and adults, laity and religious. The child, main character of that night, remains the worshipped mediator of that moment when the old year traditionaly slips to the new one, symbolized by the transit from the dead to the leaving.
LA NUIT HERTZIENNE, THIERRY LEFEBVRE
Le développement des radios libres parisiennes, à partir de 1977, a été rendu possible, entre autres, par la relative mansuétude du pouvoir vis-à-vis des émissions pirates de nuit. Cette contrainte conjoncturelle a rapidement modelé un nouveau style de radiophonie, aujourd’hui raréfié, reposant sur une extrême convivialité entre animateurs et auditeurs. L’auteur analyse ici quelques exemples enregistrés sur une station aujourd'hui disparue, Fréquence libre, durant l’hiver 1984-1985.
THE HERTZIAN NIGHT, Thierry Lefebvre
The development of Parisian free radio stations, starting in 1977, was made possible thanks to —among other things— the rather lenient attitude of the authorities towards illegal night programmes. This circumstantial constraint rapidly generated a new style of radio, rarefied today, based on an extreme complicity and freedom of speech between animators and their audience. The author analyses here a few examples recorded during the winter of 1984-1985, from Fréquence libre, a radio station that no longer exists.
SUR L’ÉCRAN BLANC : ANDY WARHOL, IRÈNE PENNACCHIONI
Cet article propose de lire la modernité d’un auteur comme Andy Warhol d’un point de vue anthropologique. L’écran de télévision est pris dans la recherche comme un objet aussi énigmatique et signifiant que le bouclier de Gorgone. Il pose la question du visage et de la construction identitaire contemporaine dans sa dimension non pas seulement diurne et socialisée, mais aussi dans sa face nocturne puisque c’est la nuit qu’Andy Warhol consommait à l’excès une “œuvre” ininterrompue.
ON THE WHITE SCREEN: ANDY WARHOL, Irène Pennacchioni
This article aims at reading the modernity of an author such as Andy Warhol from an anthropological angle. The television screen is included in the research as an object as mysterious and significant as Gorgon’s shield. It raises the question of the face and of the contemporary making of identity in a not only diurnal and sociolised dimension, but also in its nocturnal aspect since it is at night that Andy Warhol used to make an excessive consumption of a non-stop “work”.
“NIGHT TIME IS THE RIGHT TIME”, PATRICK MIGNON
Le rock comme monde social se définit par ses thèmes, ses rythmes mais aussi par la manière dont il organise le temps de ceux qui le fréquentent. Partant, dans les années Cinquante, de la revendication adolescente de gestion autonome du temps libre ; à partir des années Soixante, ses modes de traitement de la vie nocturne deviennent un élément de sa définition comme forme contemporaine de la vie de bohème dont il fait voir différentes options. Dans ses manifestations récentes, le rock s’inscrit dans une utopie de la pacification de la nuit par l’exercice des plaisirs de la danse.
“NIGHT TIME IS THE RIGHT TIME”, Patrick Mignon
As a social world, rock defines itself by its themes, its rythms, but also by the way it organizes the time of those who are part of that world. So, in the Fifties, the night issue is an adolescent claim for an autonomous management of free time; during the Sixties, it is part of a definition of rock as a contemporary form of bohemian life. Presently, it is an aspect of the utopy of pacification of the night thanks to the exercice of the pleasures of dancing.
DÉRIVE NOCTURNE, BERNARD PAILLART
Enquêtant sur l’épidémie de sida à Marseille, l’auteur a été confronté au monde nocturne de la prostitution, spécialement celle des toxicomanes. Il s’agissait là d’une réalité qui échappait aux institutions qui, à titre divers, s’intéressaient à la prostitution. Pouvait-elle faire l’objet d’une enquête sociologique ? Ce texte illustre les difficultés rencontrés au-devant d’une population qui se dérobe. Il faudrait pouvoir disposer de temps, de moyens et d’intermédiaires pour faire l’ethnologie d’un milieu qui disparaît dans l’opacité de la nuit.
NOCTURNAL DRIFT, Bernard Paillart
When investigating the epidemic of AIDS in Marseilles, the author was confronted with the nocturnal world of prostitution, particularly the prostitution of drug-addicts. This was a reality escaping the institutions which, for various reasons, were concerned by prostitution. Was there ground for a sociological investigation? This text describes the difficulties of going towards a shirking population. In order to conduct an ethnological study of a world that dissolves in the darkness of night, it would be necessary to dispose of time, means and go-betweens.
“LE SOIR ON NE RENTRAIT PAS CHEZ SOI”, PEDRO MECA
Au long de cet entretien, Pedro Meca, le fondateur des Compagnons de la nuit, se souvient de ses longues soirées d’enfant pauvre. Il détaille aussi les heures que les SDF viennent passer, chaque nuit, dans son local de La Moquette.
“IN THE EVENING, NO ONE USED TO GO HOME”, Pedro Meca
Throughout this interview, Pedro Meca, founder of Les Compagnons de la nuit (The Fellows of the night), remembers his long evenings as a poor child. He also tells us in details about the hours spent by homeless people in his refuge La Moquette (The Carpet).
LA NUIT DU CHAT, MICHEL LALLEMENT
Depuis les années Quatre-vingt, l’invention de nouveaux rythmes sociaux se traduit par des débordements croissants des activités productives sur des marges temporelles habituellement réservées au hors travail. La nuit ne fait pas exception. Le présent article restitue les moments marquants d’une nuit de travail d’un infirmier d’un grand hôpital parisien. Pour cet agent hospitalier qui ne peut, au mieux, dans les moments de calme, que dormir du sommeil du chat, la nuit mêle indissociablement solitude et solidarité, incertitudes et débrouillardise.
THE NIGHT OF THE CAT, Michel Lallement
Since the early Eighties, the creation of new social rhythms goes together with a growing number of productive activities outside the usual working hours. Night time is no exception. This article is about a night of work for a male nurse in a major Parisian hospital. For that hospital agent who can, at best, in moments of quiet, sleep the cat’s sleep, the night is indissociably linked with solitude and solidarity, uncertainties and resourcefulness.
LA NUIT SANS LE JOUR, ALAIN BROSSAT
La nuit est une métaphore politique à tous usages. La fréquence et la variété de ses emplois signale celles des situations où les hommes souffrent sous le joug des tyrannies, endurent les horreurs de la guerre, civile ou non. Mais la symétrie métaphorique se trouve mise à mal dès lors qu’il s’agit de désigner l’”autre” des temps obscurs : l’aube, le matin lumineux, appelés de tous les vœux du cœur des ténèbres ne diffusent, à l’usage qu’une lueur blafarde et décevante : les grands soleils politiques sont chose rare.
NIGHT WITHOUT DAY, Alain Brossat
The night is an all-purpose political metaphor. Its frequent and varied usage signals as many situations of men suffering under the yoke of tyranny, enduring the horrors of war, civil or not. But the metaphorical symmetry is broken as soon as the point becomes to name the “other” of the dark time: dawn, bright morning, so much called for from the heart of the darkness, merely diffuse a bleak and disappointing light when it comes to it: glorious political suns are scarce.