Sociétés & Représentations n° 18, résumés/abstracts
CROQUIS, DESSINS ET CARICATURES : LA JUSTICE EN IMAGES, FRÉDÉRIC CHAUVAUD ET SOLANGE VERNOIS
Dans le monde de représentations dans lequel nous vivons, les images les plus récentes de la justice n'ont guère fait l'objet de travaux. Délaissée, voire ignorée, la justice en images est absente des recherches en sciences humaines. A condition d'y prêter attention une multitude d'images se présentent en cohortes serrées : dessins, brouillons, croquis... On rencontre parfois quelques rares ébauches maladroites d'inculpés, dont les papiers personnels, réquisitionnés par les autorités, sont venus grossir l'instruction et gisent, avec une documentation épistolaire, dans les dossiers de procédure. S'y ajoutent bien sûr les immenses territoires que forment les caricatures et les dessins de presse, sans compter les terres plus inattendues, comme les tatouages. Il importe alors de suivre le cheminement de l'instruction de la découverte du crime jusqu'à la mémoire criminelle. De la sorte, il convient de retenir, pour restituer la marche de la justice, quatre étapes : tout d'abord l'étude des images de l'enquête, puis l'analyse des croquis d'audience et des caricatures élaborées a posteriori, pour s'attacher aux images du châtiment et, enfin, celles de la mémoire.
Sketches, drawings and cartoons: justice in images, Frédéric Chauvaud et Solange Vernois
In the world of representations in which we live, the most recent images of justice have rarely been studied. Neglected, even ignored, they are absent in research in human sciences. However, a mass of images are available: drawings, rough drafts, sketches. One sometimes comes across a few clumsy preliminary sketches of the accused, whose personal papers, requisitioned by the authorities, are added to the preparation of the case, and are kept, with epistolary documentation, in the file. Plus, of course, the immense fields of caricatures and press cartoons, Not to mention some more unexpected ones such as tattoos. The issue then is to follow the path of the investigation from the discovery of the body to the memory of criminality. Therefore, it is necessary, in order to reconstruct the judicial procedure, to go through four stages: first, study the images of the investigation, then analysize the sketches of the trial and the caricatures drawn afterwards, view the images of the punishment and finally those of memory.
LA MISE EN IMAGES DE LA PROCÉDURE INQUISITOIRE, MICHEL PORRET
Sous l'Ancien Régime, la justice criminelle repose sur la théâtralisation du droit de punir mis publiquement en scène sur le forum de la cité. La liturgie de l'échafaud donne à voir le châtiment corporel de l'homo criminalis. Décapitation, bûcher, pendaison, exposition sur la roue : si l'iconographie juridique illustre souvent le régime pénal et sa philosophie de prévention générale du crime par la terreur du châtiment, elle reste plus discrète en ce qui concerne la mise en image de la procédure. Dès le milieu du XVe siècle, la procédure inquisitoire (écrite, secrète et basée sur la question pour forger la preuve) remplace progressivement la procédure accusatoire. Didacticien du droit, le magistrat humaniste Jean de Mille (fin XVe siècle - 1563) publie en 1541 sa Praxis criminis. Exploitant le cas d'un assassinat nocturne commis à Paris avec préméditation, l'ouvrage décrit par le texte et illustre par treize planches gravées les étapes du procès inquisitoire. Celui-ci repose sur la souveraineté du juge instructeur et culmine dans le spectacle public de l'échafaud. En suggérant que la peine capitale n'est pas dissuasive, l'iconographie réaliste de la Praxis criminis évoque moins la réalité du châtiment pénal qu'elle n'illustre l'imaginaire réformiste de Jean de Mille.
Illustrating of the inquisitorial procedure, Michel Porret
Under the Ancien Régime, criminal justice was based on the dramatisation of the right to punish in public. The liturgy of the scaffold exposes the corporal punishment of the homo criminalis. Beheading, burning at the stake, hanging, tying at the wheel: if the judicial iconography often illustrates punishment and its philosophy of general prevention of crime through terror, it is however more discreet when it comes to the procedure. In mid 15th century, the inquisitorial procedure (written, secret and based on the question to form evidence) slowly replaces the accusatory procedure. In 1541, Jean de Mille, a specialist in law and a humanist magistrate (end of 15th century-1563), publishes his Praxis criminis. Using the case of a premeditated murder committed in Paris at night, the book describes with words the different stages of the inquisitorial trial and illustrates them with thirteen engraved plates. The trial is based on the examining magistrate's sovereignty and reaches its peak with the public show of the scaffold. By suggesting that capital punishment is not dissuasive, the realist iconography of the Praxis criminis doesn't evoke the reality of the punishment as much as it illustrates Jean de Mille's reformist convictions.
LA VISUALISATION DES DIFFÉRENTES PROCÉDURES EN EUROPE, XVIIIE-XXE SIÈCLES, JEAN-LOUIS HALPERIN
Cette contribution s'interroge sur les possibilités de réunir des images sur les changements qui ont affecté les procédures judiciaires en Europe au XVIIIe siècle et au XIXe siècle. Ces changements sont marqués par une publicité croissante des procès civils et pénaux, ayant pour conséquence une redéfinition de la scène judiciaire. Pourtant, le développement du jury est la principale institution qui a attiré l'attention des illustrations et la recherche d'images montrant les différentes procédures en Europe s'avère difficile.
The visualization of the different judicial procedures in Europe, 18th-19th centuries, Jean-Louis Halperin
This paper is about the opportunities to collect images about the changes in judicial procedures in Europe during the 18th and 19th centuries. These changes were characterized by a growing publicity for trials in civil and penal matters, which lead to a new judicial scene. However the development of the jury is the main feature that caught the designers'attention, and the research of images showing the different procedures in the European judicial systems proves to be difficult.
SERVIR LA JUSTICE, L'ART ET LA TECHNIQUE : LE RÔLE DES PLANS, DESSINS ET CROQUIS DEVANT LA CHAMBRE ROYALE DES BÂTIMENTS, ROBERT CARVAIS
Le droit est une science écrite ou orale mais rarement dessinée. Pourtant lorsqu'une institution judiciaire est confrontée à un objet technique, l'utilité d'une transcription graphique peut se révéler nécessaire. Dans ce cas, à qui s'adresse toute cette iconographie ? Et que sert-elle ? Dans le domaine de la construction fortement impressionné par l'architecture, il n'est pas rare que l'on ait recours à des traces graphiques. En analysant les archives de la juridiction de la maçonnerie qui nous sont parvenues (1670-1791), nous avons trouvé de nombreuses illustrations dont nous avons cherché les fonctions. Dans ce corpus délimité ainsi constitué, nous avons retracé l'évolution de la place de l'image par rapport au texte majoritaire. Nous avons constaté une recrudescence des documents dessinés dans les vingt dernières années de l'Ancien Régime, comme si les Lumières portaient témoignage d'une plus grande rationalité dans le discours juridique par la transposition graphique des faits. Trois types d'images correspondent alors aux trois temps du procès.
To serve justice, art and technique: the functions of blueprints, drawings and sketches in the papers of the Royal Chamber of the Building Trades, Robert Carvais
The law is a written or oral science but rarely drawn. Nevertheless when a court has to deal with technique, it can be necessary to use a graphic transcription. In this case, for whom are all these images intended? And what is the use of such an iconography? In the field of construction, which is highly influenced by architecture, it is frequent to use graphic traces. By analysing the available archives of the Jurisdiction of Masonry (also known as The Chamber of the Building Trades) (1670-1790), we found numerous illustrations, the uses of which we tried to make out. In this defined corpus, we drew a critical history of the proportions between text and images. We noticed an upsurge of images in the twenty last years of the Ancient Regime, as if the Age of Enlightenment revealed a higher degree of rationality in the judicial discourse through a graphic transposition of facts. We then observe that three types of images correspond to the three stages of the trial.
LES PLANS DE L'ENQUÊTE DANS LA SECONDE MOITIÉ DU XIXE SIÈCLE, VIRGINIE BERGER
L'établissement d'un plan lors d'une enquête judiciaire n'est pas une opération systématique. Cette pratique se développe tout au long du XIXe siècle, et s'affirme surtout dans les trente dernières années pour l'exemple abordé ici, les vols qualifiés. Ces plans fournissent de multiples renseignements aux enquêteurs, non seulement sur les circonstances des crimes, mais également sur les voleurs eux-mêmes.
The maps of the investigation in the second half of the 19th century, Virginie Berger
The drawing of a map during a judicial investigation is not a systematic operation. This practice developed throughout the nineteenth century, and particularly asserted itself in the last thirty years as far as the example chosen here —qualified thefts— is concerned. These maps provide investigators with multiple pieces of information, not only about the circumstances of the crimes, but also about the robbers themselves.
DÉCOUVERTE DU CRIME ET BESOINS DE L'ENQUÊTE. LE DESSIN JUDICIAIRE EN SEINE-INFÉRIEURE AU XIXE SIÈCLE, MARINA DANIEL
Au XIXe siècle, les crimes contre les personnes, événements dramatiques, mobilisaient une fois leur découverte, hommes de loi, médecin et une foule de curieux. Dès leur annonce, les magistrats, conformément aux exigences du Code d'instruction criminelle, devaient se transporter sur les lieux et procéder aux investigations, aux constatations capables d'indiquer l'identité du ou des criminels. Représentations officiels du crime, les croquis étaient la mémoire des faits, l'inventaire des traces matérielles souvent fugaces et par conséquent un complément utile des procès-verbaux de constat, réalisés au cours de la visite méthodique de la scène du crime. Rédigés par les magistrats eux-mêmes ou bien par des géomètres, architectes ou arpenteurs mandatés comme experts, ces dessins offraient la progression visuelle de l'enquête et la traque du criminel en représentant objectivement l'emplacement de la victime, la situation des armes, la localisation des différents indices et des protagonistes, parfois même la direction des coups portés. Fortement ancrés dans la pratique judiciaire, ils ne servaient pas seulement à visualiser les lieux du crime mais aussi à définir un comportement criminel dans l'espace et dans le temps.
Discovery of crime and the requirements of the investigation. Police drawings in Seine-Inférieure in the 19th century, Marina Daniel
During the 19th century, blood crimes, dramatics events, would mobilize, after their discovery, magistrates, doctors and a crowd of bystanders. Magistrates, in accordance with the requirements of justice, had to visit the scene of the crime and note a myriad of details. As official representations of crime, sketches are the memory of facts, the inventory of often fleeting clues, and thus, constitute a useful complement for reports. Made by magistrates themselves, or by their clerks, architects, or by land surveyors, called as experts, these drawings offer a visual progress of the investigation and of the perpetrator's hunt, by representing objectively the position of the victim and protagonists, the places where the weapons, and various clues were found, and sometimes even the trajectory of the blows. Strongly established in the judicial practice, they didn't only portray the crime scene, they also contributed to profile a criminal behaviour in a given time and space perspective.
L'AFFAIRE DESRUES OU LE PREMIER TOMBEAU DE L'ANCIEN RÉGIME, ANNIE DUPRAT
Le 6 mai 1777, Antoine-François Derues, convaincu de culpabilité malgré ses protestations d'innocence, est exécuté sur la place de Grève à Paris. Il avait assassiné une aristocrate de province, madame de Lamotte, pour la voler et son fils, pour cacher son crime. L'affaire a causé un grand trouble dans la population parisienne, ce qui a conduit les autorités de police à faire diffuser des textes et des images pour convaincre le public. Cette affaire, très célèbre au XIXe siècle, est tombée à présent dans l'oubli. Elle montre pourtant le discrédit de la justice royale sous l'Ancien Régime, et les pratiques frauduleuses qui se cachent sous différents artifices, la religion ou le déguisement.
The case of Antoine-François Desrues (1777), or the first tomb of the Ancien Régime, Annie Duprat
On May 1777, the judges of the Châtelet of Paris found Antoine-François Derues guilty of murder of madame de Lamotte, a provincial aristocrat in order to steal her. He also killed her son to hide his crime. In spite of his protests, he was carried out on the place de Grève to be executed. This trial caused such considerable unrest among the Parisian population that it led the police to distribute pamphlets and prints aiming at convincing the public of Derues'guilt. This case was very famous during the 19th century but has now sunk into oblivion. It however proves the discredit of royal justice under the Ancien Régime and the fraudulent practices which hide under different tricks, religion of disguise.
IMAGES DE LA JUSTICE AU TEMPS DE L'AFFAIRE DREYFUS, BRUNO DE PERTHUIS
C'est à travers la caricature de presse ainsi que celle de la carte postale illustrée, que nous nous proposons de découvrir les différents visages de la justice pendant l'affaire Dreyfus : justice de classe, opposition entre justice militaire et justice civile, superposition des représentations de la vérité et de la justice, représentation ambivalente de l'île du Diable, images peu flatteuses des juges figurés, parfois, à l'instar de Dreyfus et de ses défenseurs, en agent à la solde de Berlin. Enfin, ambiguïté même de la justice au milieu de cette guerre idéologique qui soulève les passions.
Images of justice during the Dreyfus affair, Bruno Perthuis
This article aims at discovering the different representations of justice during the Dreyfus affair through press cartoons and illustrated post-cards : justice of class, conflicts between military and civil justice, superimposition of representations of truth and justice, ambiguous representation of Devil Island, unflattering images of judges, sometimes represented —as well as Dreyfus and his defenders— as agents for Berlin. Ultimately, the ambiguity of justice itself in that ideological and passionate war.
IMAGES D'UN CRIME HORS DU COMMUN : LE PROCÈS ET LA MORT DE L'ABBÉ BRUNEAU (1894), JEAN-FRANÇOIS TANGUY
La mémoire collective est une dame capricieuse. Elle a gardé Landru, madame Steinheil ou madame Caillaux, Petiot, Lacenaire ou madame Lafarge, elle a quasiment éliminé Tropmann, Vacher le tueur de bergers ou l'abbé Bruneau. Hasards ou raisons de fond ? En ce qui concerne Bruneau en tout cas, on ne manquera pas d'explications : atypique, sordide, mais aussi impossible, le crime devait être écarté par la mémoire catholique. Trop abominable, il ne pouvait servir d'outil permanent à la tradition anticléricale. Bruneau n'avait pas abusé de ses pénitentes, n'avait pas tué sa maîtresse : le forfait étant une affaire entre ecclésiastiques ne se prêtait pas à la même exploitation. Aussi l'histoire de l'abbé Bruneau sombra-t-elle bien dans un relatif oubli dont ne la tirèrent postérieurement que quelques érudits curieux peu soucieux de dire ce que l'affaire illustrait et de de se pencher sur le pouvoir d'évocation d'images d'un autre monde et d'un autre temps.
Images of an uncommon crime: the trial and death of abbot Bruneau (1894), Jean-François Tanguy
Collective memory is capricious indeed. It has remembered Landru, madame Steinheil or madame Caillaux, Petiot, Lacenaire or madame Lafarge, but has almost totally forgotten Tropmann, Vacher the shepherds' killer or the abbot Bruneau. Accidents or deeper reasons? In Bruneau's case anyway, we are not short of explanations: the crime, atypical, sordid, but also impossible, had to be removed from the catholic memory. It was too abominable to be useful to the anticlerical tradition. Bruneau had not abused his penitents, had not killed his mistress: the crime was an affair between clerics. So Father Bruneau 's story sunk into relative oblivion from which only a few curious scholars rescued it, not very concerned, however, about what the affair revealed nor about the power of images from another world and time.
LA PLACE DU CORPS DANS LA MÉDIATISATION DES AFFAIRES CRIMINELLES, SYLVIE CHÂLES-COURTINE
Le corps occupe une place importante dans la médiatisation des affaires criminelles. Au-delà des caricatures et des portraits, le corps joue un rôle singulier dans la mise en scène sociale du dispositif judiciaire. Véritable objet d'évaluation de la nature humaine, le corps apparaît comme l'écran support de la différence, il matérialise les écarts, insinue et institue l'altérité. L'analyse de la presse relatant différentes affaires criminelles du XIXe et XXe siècle permet de mettre en évidence des éléments de permanence dans les représentations des criminels et d'interroger la stratégie qui consiste à faire du corps le support privilégié de la criminalisation.
The place of the body in the media coverage of criminal affairs, Sylvie Châles-Courtine
The body takes up a very important place in the media coverage of criminal matters. Beyond caricatures and portraits, the body plays an uncommon part in the social staging of the judicial operation. As a true object of assessment of the human nature, the body appears as the shield medium of difference. It materializes discrepancies, implies and introduces alterity. The analysis of various criminal affairs, published in the press the 19th and 20th century, highlights some constant elements in the representations of the criminals, as much as it questions the strategy consisting in making the body the privileged medium of criminalization.
IMAGES DE LA GUILLOTINE DANS LE DESSIN DE PRESSE, CHRISTIAN MONCELET
L'instrument de la peine capitale est trop chargé de pathétique, collectif ou privé, pour ne pas figurer en bonne place dans la galerie des images fantasmées. Parce qu'elle est, pour les Français, liée à la Révolution, la guillotine a été représentée de façon plus ou moins réaliste dans des images à finalité documentaire directe (témoignages d'époque) ou au second degré (livres d'histoire, documents de commémoration). Jusqu'à l'abolition voulue par François Mitterrand, la guillotine est aussi l'instrument emblématique de l'institution judiciaire en général. Les dessinateurs ont déployé leur verve iconique pour renouveler cette représentation métonymique. À ce corpus, il faut ajouter des analogies encore plus générales qui, au moyen d'une hyperbole, traduisent une justice au sens le plus large du mot (au-delà de la pratique judiciaire). Un ensemble très passionnant regroupe les dessins et les textes sur "la veuve" mise en question. En effet, l'histoire des combats des abolitionnistes se lit à travers l'iconographie et les articles de la presse ou des affiches militantes, au gré des fluctuations de l'opinion en fonction des grandes causes criminelles. Enfin, la guillotine a donné aux amateurs d'humour noir bien des occasions de sourire qu'on ne saurait oublier.
The "widow". images of the guillotine in press cartoons
As the instrument of capital punishment, heavy with collective and private pathos, the guillotine holds a good position in the gallery of fantasized images. As a reminder of the French Revolution, it has been more or less realistically represented in images with either direct documentary finality (testimonies of the times) or second degree (history books, commemorative documents). Until the abolition called by François Mitterrand, the guillotine was also the emblematic instrument of the judicial institution at large. Illustrators have shown great imagination to revitalize this metonymic representation. More general analogies, using hyperbole as a means to illustrate justice in its widest sense (beyond judicial practice) were added to this corpus. A fascinating collection of cartoons and texts about the "widow" was gathered. The history of the abolitionist struggles can be read through the iconography, articles or militant posters, following the fluctuations of the public opinion according to major criminal cases. Last but not least, the guillotine has given black humour lovers a good many worth-remembering occasions to smirk.
UNE VISITE À METTRAY PAR L'IMAGE : L'ALBUM DE GRAVURES DE 1844, JACQUES BOURQUIN ET ÉRIC PIERRE
Dans un contexte incertain sur l'avenir des colonies pénitentiaires, F.-A. Demetz, le principal fondateur de la colonie de Mettray, mène une campagne d'opinion pour défendre son oeuvre. Il mobilise des moyens traditionnels (publications de brochures et d'articles de journaux, organisation de visite, etc.), mais aussi des représentations figurées. Il organise ainsi la publication d'un album de lithographies consacrées à Mettray. Il s'agit pour lui de diffuser une image idéale de la colonie.
Si ces représentations ne rendent pas compte avec précision de l'organisation réelle de la colonie, elles en reflètent les valeurs principales : éducation et instruction, religion, travail, et, surtout, respect d'une discipline consentie et intégrée par les jeunes détenus. Les lithographies insistent toutes sur l'ordre intérieur et sur l'harmonie qui règnent dans la colonie.
A visit to Mettray through images: the album of lithographs in 1844, Jacques Bourquin & Éric Pierre
In a quite uncertain context about the future of penal colonies, F.A. Demetz, the main founder of the colony of Mettray, started to campaign for his work. He used traditional media such as booklets, newspaper articles, guided tours as well as illustrated representations. He published for instance an album of lithographs about Mettray, picturing an ideal image of life in the colony.
If these representations don't give an exact account of the real organisation of the colony, they reflect its main values: education, religion, manual work, and above all, an accepted discipline, well integrated by the young prisoners. The lithographs unanimously praise the perfect and peaceful order of the penal colony.
IMAGES AMBIGUËS D'UN NAVIRE IMMOBILE : LA PRISON DE FRESNES DES ÉPURÉS, JEAN-CLAUDE VIMONT
Les représentations de la prison de Fresnes dans l'iconographie et dans les témoignages des collaborateurs incarcérés en France de 1944 à 1953 renseignent sur leur vécu carcéral, mais véhiculent aussi lieux communs et scènes symboliques. Le caricaturiste antisémite Ralph Soupault, militant du PPF de Jacques Doriot, n'échappe pas à cette règle et parsème le recueil "Fresnes, reportage d'un témoin" de messages politiques qui attestent de sa fidélité à ses convictions extrémistes.
Ambiguous images of a motionless ship : the prison of Fresnes for the purged, Jean-Claude Vimont
The représentations of the prison of Fresnes as shown on pictures and as reported by french collaborators, imprisonned from 1944 to 1953, give information about their life in prison, but also promote common places end symbolic scenes. Ralph Soupault, an anti-semitic caricaturist, militant of Jacques Doriot 's PPF, keeps to this rule and sprinkles the book Fresnes, reportage d'un témoin with political messages consistent with his extreme-right convictions.
EMBLÈMES DE LA ROBE : LES REPRÉSENTATIONS DE LA JUSTICE DANS L'IMAGERIE PRO-PARLEMENTAIRE SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XV, PIERRE WACHENHEIM
Le XVIIIe siècle est marqué par la volonté des parlements d'affirmation de leurs prérogatives institutionnelles et de leur pouvoir politique face au roi. Profitant des difficultés de la monarchie, notamment dans le domaine religieux avec l'épineuse question de la bulle Unigenitus, les magistrats optent pour une logique d'opposition systématique au pouvoir royal. Au-delà des moyens traditionnels à leur disposition (remontrances, grève, libelles, etc.), ils développent une stratégie visuelle de communication nouvelle, essentielle dans leur démarche d'investissement de l'espace public. Cette contribution se propose donc de mettre en lumière l'implication des gravures dans la polémique parlementaire sous le règne de Louis XV, à travers les images de la Justice et l'élaboration d'un imaginaire autonome en concurrence avec celui de la monarchie.
The symbols of the Robe: the representations of Justice in the pro-parliamentary imagery during the reign of Louis XV, Pierre Wachenheim
The 18th century is marked by the parliaments' will to affirm their institutional prerogatives and political power with regard to the king. Taking advantage of the difficulties of the monarchy, in particular in the religious field with the sensitive question of the Unigenitus bulla, the magistrates opt for a logic of systematic opposition against the royal power. Beyond the traditional means at their disposal (remonstrance, strike, libels, etc.) they develop a visual strategy of a new type of communication, essential in their proceedings of investing the public space. The present paper hence proposes to highlight the implication of the illustrations in the parliamentary controversy during the reign of Louis XV, through the images of Justice and the elaboration of an autonomous imaginary competing with that of the monarchy.
LA JUSTICE DANS LES GRANDS ALMANACHS GRAVÉS, LAUREN GILLET
Les grands almanachs du règne de Louis XIV, placards populaires de diffusion massive rapportant les événements de l'année précédente, développent trois discours sur la justice : la justice est l'insigne du pouvoir absolu du roi sur son peuple, elle est la caution de son action conquérante, et enfin elle fournit l'occasion de ridiculiser avocats et magistrats, jugés comme les véritables bénéficiaires des procès. Ces images ne proposent donc aucun commentaire sur le cours ordinaire de l'institution judiciaire. Se prononcer sur la réalité quotidienne de cette autorité, en rendre compte ou la remettre en cause, reviendrait à se prononcer sur une conjoncture sociale conditionnée par le pouvoir royal, ce qui paraît impossible. À travers le regard partial qu'ils portent sur la justice, les almanachs du règne de Louis XIV trahissent les limites de la "liberté d'imager".
Justice on the great engraved almanacs under the reign of Louis XIV, Lauren Gillet
The great almanacs composed during the reign of Louis XIV, popular posters of wide circulation relating events of the previous year, discuss three points on justice: justice is the mark of the absolute power of the king on his people, it is the guaranty of his conquering action and finally it provides the opportunity to ridicule lawyers and judges described as the true beneficiaries of the wheels of justice. Hence these pictures do not provide any comment on the ordinary course of the judicial institution. Exposing views on the daily reality of this authority, reporting or challenging it, would mean speaking up about a social background imposed by the king's power, which appears to be impossible. Through this biased view on justice, these almanacs show the limits of freedom in images.
LA JUSTICE MISE EN IMAGES PAR DÉTECTIVE (1945-1980), PHILIPPE CHASSAIGNE
Hebdomadaire-type des faits divers, Détective a amplement recours aux illustrations pour attirer ses lecteurs. Au-delà de leur seul foisonnement, et de leur évidente simplicité, elles pallient une incontestable pauvreté rédactionnelle, de plus en plus évidente au fil des ans ; mais il s'agit avant tout de faire vibrer la corde sensible du lecteur en lui donnant l'impression de partager des instants pathétiques. Elles sont aussi le vecteur d'un parti-pris sécuritaire qui ne change pas au cours des années. Cette fidélité à une formule éprouvée est sans doute une clef au succès persistant du magazine.
Justice in images in the magazine Détective (1945-1980), Philippe Chassaigne
Detective is the main representative of the French crime-related news items press and exemplifies it perfectly. Images and pictures have always played an important part in its appeal to a large readership. Although numerous, and fairly simple in their appearance, they compensate for the poverty, an dullness, of the articles. They aim at making the readers feel they belong to an action always dramatic or pathetic. They also convey an unflinching law-and-order stance (one does not dare to say Ideology). Sticking to such a formula undoubtedly explains the magazine's lasting success.
TROIS ILLUSTRATIONS DU CODE PÉNAL FRANÇAIS AU XXE SIÈCLE, ANNE TEISSIER-ENSMINGER
On trouvera ici une étude comparée des illustrations du Code pénal. L'attention portée aux tandems que ces images constituent avec les trois états du texte législatif, comme au relief quelles donnent à certains types d'infractions et de sanctions, permet de mettre en évidence des lectures graphiques qui, au-delà du Code proprement dit, replacent les formulations de la loi, non pas tant dans leurs contextes sociologiques que dans l'ensemble de la chaîne procédurale. Autrement dit, c'est le processus pénal lato sensu qui est convoqué, et à l'occasion bousculé, pour mieux aiguiser le regard critique sur le langage et les partis-pris politico-juridiques du seul Code pénal.
Three illustrations of the French penal code in the 20th century, Anne Teissier-Ensminger
This is the comparative study of two sets of pictures created for the French Code pénal, the first by Joseph Hémard in 1941, the second by Siné in 1959, and a third one devoted to the Nouveau Code pénal by Francis Le Gunehec in 1995. When, going into details, one considers the connection of these drawings with the legal text, and how they strategically emphasize some particular infringements or penalties, it becomes obvious that the language in the Code pénal itself, mirror of political choices, is criticized not really on the ground of social reality, but far more on account of the complete procedural chain.