Sociétés & Représentations n° 10, résumés/abstracts

Le Grotesque entre la marge et le cadre, Marielle Silhouette

Phénomène mobile et polymorphe, le grotesque occupe la critique de façon pressante depuis les années Cinquante. Un aperçu de cette recherche permet de faire saillir des lignes interprétatives et, surtout, de montrer à quel point cette catégorie se prête au réinvestissement sémantique en fonction de préoccupations propres à chaque époque. L'exemple du théâtre allemand au XVIIIe siècle est, en ce sens, frappant, car le grotesque se trouve tour à tour évacué et réintégré pour des raisons esthétiques particulières qui engagent tout le débat autour de la mimesis, les notions d'utilité morale, de vraisemblance et de liberté de l'artiste. Cette étude de détail permet de mettre au jour les déplacements, les contaminations multiples et les moments de déterritorialisation auxquels le grotesque donne lieu. 

The Grotesque between Frame and Fringe, Marielle Silhouette

The grotesque genre, a mobile and polymorphous phenomenon, has been the object of criticism since the 1950's. A glimpse in this research puts in perspective interpretative lines and, above all, shows to what extend this category is semanticaly reinvested according to the particular concerns of particular times. German theatre in the 18th century is a striking example of it, because the grotesque is by turns disposed of or reintegrated for particular aesthetic reasons which start the debate about the mimesis, notions of moral usefulness, likeliness and freedom of the artist. This detailed study brings to light the movements, the multiple contaminations and the moments of deterritorialisation to which the grotesque gives way.


Arabesque et roman dans l'œuvre de Friedrich Schlegel, Alain Muzelle

Comme le grotesque, l'arabesque est un terme emprunté aux arts plastiques. Avec Friedrich Schlegel, elle devient la pierre angulaire d'une nouvelle poétique du roman. Dans les écrits analysés au coeur de cet article, Schlegel procède en trois mouvements pour justifier le recours à cette figure de style, expression d'un genre nouveau. L'actualité de Denis Diderot à Laurence Sterne atteste de la vigueur de cette forme dont les origines au XVIe et XVIle siècle sont rappelées. Son efficacité novatrice est démontrée dans un troisième mouvement dialectique avec lequel Schlegel plaide pour une réappropriation constructive de la tradition dans le but de faire du nouveau. 

Arabesque and novel in the works of Friedrich Schlegel, Alain Muzelle

Arabesque, as well as grotesque, is a term borrowed from plastic arts. With Friedrich Schlegel, it becomes the cornerstone of a new novelistic poetry. In the works analysed in this paper, Schlegel, proceeds in three movements to justify the use of this figure of style, the expression of a new genre. History, from Diderot to Laurence Sterne, testifies of the vigour of this form, the origins of which date back from the 16th and 17th century. Its novating efficiency is demonstrated in a third dialectic movement where Schlegel pleads for a constructive reappropriation of tradition in order to create novelty.


Princes et bouffons : aspects du grotesque dans le théâtre de Shakespeare, Line Cottegnies

Chez Shakespeare comme chez Rabelais, les formes du grotesque sont variées et présentent une dualité essentielle : les bouffons et les personnages de farce semblent d'abord incarner ce « réalisme grotesque » que Mikhaïl Bakhtine définissait comme un principe subversif populaire de jouissance obéissant à un rire profanateur et libérateur ; cependant, le grotesque peut aussi adopter des aspects plus tragiques lorsque le principe de dérision ou de déformation prend une résonance inquiétante, comme avec l'humour grinçant d'un Hamlet méditant sur le crâne du bouffon Yoriek. En rendant impossible toute interprétation univoque et rationnelle, le grotesque hamlétien fonctionne dans la pièce comme un principe d'opacification et d'indétermination. Comique ou tragique, le grotesque est lié dans l'œuvre de Shakespeare à la dialectisation de l'instabilité des signifiants et des valeurs établies. Il s'avère principe de dérision temporaire et anti-dogmatique qui, radicalisant l'excessif ou l'anormal, met en évidence la proximité de l'homme et de la bête et la nécessité d'une reprise en main rationnelle et morale. Shakespeare semble bien mettre en oeuvre une heuristique de la dérision qui donne au grotesque une fonction didactique aussi bien qu'esthétique. 

Princes and jokers: aspect of the grotesque in Shakespeare's theatre, Line Cottegnies 

In Shakespeare as in Rabelais, forms of grotesque vary and present an essential duality: jokers and farce characters seem at first to incarnate this "grotesque realism" that Bakhtine defined as a subversive and popular principle of enjoyment obeying a profanatory and liberating laughter; however, grotesque can also reveal more tragic aspects when the principle of derision and deformation takes a disquieting turn, like in the caustic humour of Hamlet meditating over the skull of Yorick the joker. By forbidding any univocal and rational interpretation, Hamletian grotesque functions in the play as a principle of opacification and indertermination. Comic or tragic, grotesque is linked in Shakespeare's works, to the unstability of significants and established values. It proves a principle of temporary derision and anti-dogmatic which, by making the excessiveness and abnormality radical, displays the proximity between man and beast as well as the necessity of a rational and moral turn. Shakespeare seems indeed to initialize a heuristic of derision that gives grotesque both a didactic and aesthetic role.


Variations sur le grotesque dans Belle du Seigneur, Muriel Carduner-Losfeldt 

Derrière le grotesque et la caricature inscrits à la fois dans la narration d'une passion amoureuse et dans la description minutieuse d'une stratégie de séduction, se dévoile l'ambivalence du rapport de l'auteur, Albert Cohen, au judaïsme. Le langage du discours amoureux et son métalangage désignent par l'ironie distancée qui en résulte, le lieu même du déchirement entre un désir d'absolu, que représente le monde de la tradition juive, et la fascination/répulsion pour le monde des « gentils » qu'incarne Ariane, la « Belle du Seigneur ».

Variations on the grotesque in "Belle du Seigneur", Muriel Carduner-Losfeldt 

Behind the grotesque and the caricature in the narration of a passionate love story, and through the detailed account of a strategy of seduction, the ambivalence of the relationship between the author Albert Cohen and Judaism is revealed. The language of the love speech and its metalanguage, points, with the distant irony that results, at the very place of the heartbreak between an aspiration for the Absolute, represented by the world of the Jewish tradition and the fascination/repulsion for the world of the "Gentiles" embodied by Ariane, the "Belle du Seigneur".


L'apprentissage de la déformation : les procédés de la caricature à la Renaissance, Philippe Kaenel 

Dans l'histoire de la caricature, la Renaissance occupe une place déterminante, soulignée dans les écrits fondateurs d'Ernst Kris et Ernst Gombrich (1935,1938), et dans ceux de Werner Hofmann (1958). Ces auteurs assimilent volontiers la naissance du genre à la naissance du terme même de « caricature » à la fin du XVIe siècle. Dans l'historiographie, le concept de « caricature » n'est toutefois pas univoque. Il est devenu source de malentendus puisqu'il oscille entre un sens large (la caricature est ce qui déforme ou fait rire) et un sens restreint, né avec le terme même à la Renaissance. Dans cette acception, les feuilles volantes satiriques publiées entre 1510 et 1590 environ n'appartiennent pas au genre caricatural stricto sensu. Mais qu'entend-on par « déformation » ? Ce concept ne peut-il être utilisé de manière plus large sans perdre de son efficacité descriptive ou analytique ? Quelle est son efficacité symbolique ou réelle ? Comment inscrire la production graphique précédant la fin du XVIe siècle dans l'histoire de la caricature ? Quelques réflexions autour d'Érasme, Holbein le Jeune, Luther, Tobias Stimmer. 

The learning of deformation: techniques of caricature in the Renaissance, Philippe Kaenel 

In the history of caricature, the Renaissance plays an essential role which has been underscored in the pathbreaking essays by Ernst Kris and Ernst H. Gombrich (1935, 1938), as well as in Werner Hofmann's book (1958). These autors often identify the birth of the genre with the birth of the very notion of "caricature" at the end of the 16th century. But in the literature, the concept itself is not univocal. It has become the source of misunderstandings because it oscillate between a broad meaning (caricature is deformation and provokes laughter) and a narrow meaning, associated with the birth of the term in the Renaissance. In this sense, the illustrated satirical broadsides published approximately between 1510 and 1590 do not belong to the genre stricto sensu. But what "deformation" mean? Can this notion be used in a larger sense without losing its power of description and analysis? What is its symbolic or its effective power? How can the graphic production up to the end of the 16th century be inscribed in the history of caricature? This article proposes some reflections about Erasmus, Holbein the Younger, Luther and Tobias Stimmer.


La caricature, arme au poing : l'assassinat d'Henri III, Annie Duprat

La contestation du pouvoir emprunte plusieurs voies, celle du discours graphique et celle des textes. Les voies graphiques, au XVIe siècle, sont des gravures sur bois, ancêtres de nos modernes caricatures, incluses dans des pamphlets ou vendues à la feuille, dans des « affiches-placards » conservées par le parisien Pierre de L'Estoile ; les pamphlets, le plus souvent anonymes, présentent Henri III (roi de 1574 à 1589) sous les traits d'un monstre hérétique, diabolique et sanguinaire. Les références bibliques sont nombreuses dans ces pamphlets politiques qui entrent dans le combat engagé par les ligueurs ultra-catholiques de Paris, au service des intérêts de la couronne de Philippe II d'Espagne, contre le pouvoir d'une monarchie française affaiblie entre les mains du dernier roi Valois. 

Caricature as a weapon, the assassination of Henry the IIIrd, Annie Duprat

The challenging of power takes différent forms, graphic discourse and texts. In the 16th century, the graphic forets are wood engravings, ancestors of our modes caricatures —included in satirical tracts or sold by the leaf— in these "closet-posters" preserved by Parisian Pierre de L'Estoile; the lampoons, anonymous for most of them, present Henri III (king from 1574 to 1589) as a heretical, devilish and blood thirsty monster. Biblical references are numerous in these political lampoons which take part in the struggle started by the members of ultra-catholic leagues of Paris, serving the interests of Philip II king of Spain, against the power of a French monarchy weakened by the last Valois king.


Promis' d'horrors : la mort dans la caricature contre-révolutionnaire anglaise (1789-1799), Pascal Dupuy 

Fascinés par le morbide, séduits par le macabre, comme l'était Willian Hogarth, attirés par le sensationnel, inspirés par les affrontements et les conflits les caricaturistes anglais de la fin du XVIIIe siècle vont s'attacher à représenter perfidement les événements les plus sanglants de la Révolution française. De la guillottine en passant par l'assassinat ou l'exécution, tout fut susceptible d'être traduit par l'image afin de rendre coupable et méprisable le mouvement révolutionnaire français et l'idéologie qu'il véhiculait. 

Promis' d'horrors: death in english counter-revolutionary caricature (1789-1799), Pascal Dupuy 

Fascinated by the morbid, seduced by the macabre, as William Hogarth was, attracted by the sensational, inspired by clashes and conflicts, English caricaturists of the end of the 18th century apply themselves to perfidiously represent the bloodiest events of the French revolution. From the guillotine to assassination or exécution, everything was susceptible to be translated into images in order to make the French revolutionary movement guilty and despicable.


Naissance d'une icône ou les mésaventures caricaturales de « little boney » en Angleterre, Marie-Laure Wacheux 

Alors qu'en 1803 la légende dorée de Bonaparte est en train de se mettre en place en France outre-Manche, James Gillray, un talentueux caricaturiste anglais, donne naissance à Boney, mélange négatif de stéréotypes graphiques antérieurs et de la silhouette chétive du futur Empereur. Ce nouveau personnage va permettre en quelques traits de définir le nouveau régime français, tout aussi odieux que ses prédécesseurs, de valoriser la monarchie parlementaire britannique et d'occulter les graves difficultés économiques et sociales que connaît l'Angleterre à cette époque.

Birth of an icon or the carocatural adventures of “Little Boney“ in England, Marie-Laure Wacheux 

In 1803, as the golden legend of Bonaparte is taking place in France, across the Channel, James Gillray, the most talented of English caricaturists, starts publishing Boney, negative mixture of old graphic stereotypes and of the puny figure of the future Emperor. This new character is used to define in a few sketches the new French regime, as odious as the previous ones, and to promote the British parliamentary monarchy, thus concealing the serious social and economical difficulties met by England at the time.


1830-1848: la réception de l'œuvre de Daumier et Grandville en Suisse, Philippe Kaenel 

Sous la monarchie de Juillet et la Seconde République, les relations entre la France et la Suisse sont particulièrement intenses. Dès 1829, soit avant même les Trois Glorieuses qui auront des répercussions durables en Suisse, la liberté de la presse est réintroduite dans les cantons les plus progressistes. Comme le note avec justesse Jean Sigmann, le pays a réalisé sa révolution de 1848 dans les années Trente et Quarante. Cauchemar des monarchies européennes restaurées, la Confédération devient une plaque-tournante de l'exil politique, où fleurissent des organes de presse inspirés par l'exemple français (La Caricature, Le Charivari). Daumier (1808-1879), mais surtout Grandville (1803-1847) sont littéralement pillés par les caricaturistes helvétiques (Ulrich, Bocion, Von Arx, Disteli). Comment qualifier ces reprises : plagiat éhonté, piratage, ou plutôt hommage aux maîtres et confrères ? Et comment expliquer que la fortune de Daumier soit demeurée si nettement inférieure à celle de Grandville ? Quelques réflexions sur la géographie de la caricature au XIXe siècle.

1830-1848: the reception of Daumier et Grandville's works in Switzerland, Philippe Kaenel 

The relations between France and Switzerland during the July Monarchy and the Second Republic were particularly intense. In 1829, one year before the Revolution of July which was to have a lasting impact in Switzerland, the freedom of the press was reintroduced in the most liberal cantons. As Jean Sigmann has rightly pointed out, the country had achieved its revolution of 1848 in the Thirties and the Fourties already. The Confederation became a nightmare for the restored monarchies of Europe and a cross-road for political exiles, a country where the press flourished following the example of France (with La Caricature or Le Charivari). Daumier (1808-1879), and especially Grandville (1803-1847) were literally plundered by Swiss caricaturists (Ulrich, Bocion, Von Arx, Disteli). How should we call these reuses: shameless plagiarism, plain theft, or a sort of homage to masters and confrères? How can we explain that Daumier's graphic heritage was so inferior to that of Grandville? This article suggests some reflections on the geography of caricature in the 19th century.


A la recherche d'une identité nationale : l'auto-image espagnole dans la caricature de presse de 1898 à 1936, Charlotte Diez 

L'ambition de cet article est de montrer l'importance de la caricature dans l'élaboration d'un imaginaire national. Le propos est illustré par l'étude de la caricature de presse en Espagne à partir de 1898 alors que le pays, en pleine crise de légitimité de l'État, doit renoncer brutalement à toute ambition coloniale et se trouve en quête d'une identité nationale et européenne. La cible première des caricaturistes espagnols est l'exotisme « frelaté d'un pittoresque de mauvais aloi (le flamenco, les taureaux, etc.) ». Mais ils n'hésitent pas à reprendre ce modèle en l'accentuant afin de souligner davantage encore le décalage de l'Espagne par rapport aux autres nations européennes. Cette « autostylisation négative », expression d'une identité nationale imparfaite ou défectueuse, est analysée, à partir de plusieurs exemples de caricatures de presse entre 1898 et 1936 et décomposée en « auto-dérision », « transferts d'images et de modèles étrangers » et enfin en « hétéro-auto-image, image autre de soi, auto-représentation pleinement investie et contaminée par l'Autre ».

Looking for a national identity: the Spanish self-image in press caricatures from 1898 to 1936, Charlotte Diez 

The ambition of this article is to show the importance of caricature in the making of a national imaginary. The point is illustrated through the study of press caricatures in Spain, starting in 1898 when the country, undergoing a crisis of government legitimacy, must abruptly renounce any colonial ambition, and is looking for a national and European identity. The major target for Spanish caricaturists is the "adulterated and gaudy picturesque (flamenco, bulls, etc.)" exoticism. But they don't hesitate to use this model and even emphasise it, in order to furthermore underline the discrepancies between Spain and other European nations. This "negative self-stylisation", expression of air imperfect and defective national identity, is analysed through several examples of caricatures published in the press between 1898 and 1936 and decomposed into "self-derision", "transfers of images and foreign models" and, finally, into "hetero-self-image, other image of oneself, self-representation. fully invaded and contaminated by The Other".


Travailleurs, syndiqués et syndicats dans les dessins de La Voix du Peuple (1900-1914), Michel Pigenet, Jean-Louis Robert 

A travers l'étude des dessins parus dans La Voix du Peuple, organe officiel de la jeune CGT, l'article s'interroge sur la représentation que le syndicalisme français donne de lui-même dans les premières années du siècle. Il met l'accent sur les difficultés à rendre graphiquement l'action syndicale mais surtout le syndicat lui-même, dont, paradoxalement, l'image n'apparaît que très rarement. A côté des foules abondamment représentées (le "peuple"), les petits groupes de militants ouvriers qui s'en distinguent dans les dessins reflètent bien, en dehors des contraintes du genre et de l'idéologie syndicaliste révolutionnaire, la faiblesse du syndicalisme français d'avant 1914.

Workers, unionists and trade-unions in the cartoons of La Voix du Peuple (1900-1914), Michel Pigenet, Jean-Louis Robert 

Through the study of the cartoons published in La Voix du Peuple, official newspaper of the then newly created CGT, the article focuses on the self representation given by French trade-unionism at the beginning of the 20th century. It stresses the difficulties met to give a graphic picture of the trade-union actions and, even more, of the union itself, the image of which paradoxically seldom appears. Beside the crowds abundantly represented ("le peuple"), the small groups of workers who stick out in the cartoons are significant, notwithstanding the constraints of the genre and the revolutionary trade-unionist ideology, of the weakness of French trade-unionisrn before 1914.


Images du peuple et du premier mai dans Le Peuple et La Vie Ouvrière (1919-1939), Danielle Tartakowsky 

Dans la presse ouvrière de l'avant-guerre, les gravures se sont imposées pour une expression convenue autant qu'obligée du Premier Mai. Elles survivent à la déflagration, mais se concentrent désormais de manière presque exclusive dans la presse syndicale. L'article analyse celles qui sont systématiquement publiées par Le Peuple, quotidien de la CGT, et La Vie Ouvrière, devenue après la scission l'organe de la CGTU. Il poursuit l'analyse au-delà la réunification, jusqu'à la guerre. Ces gravures, montre-t-il, participent d'un genre et mobilisent à ce titre les allégories, codes et types forgés avant-guerre. Il tente de déterminer dans quelle mesure ils permettent ou non d'appréhender le "nouveau".

Images of the people and the first of May in Le Peuple and La Vie Ouvrière (1919-1939), Danielle Tartakowsky 

In the pre-war working-class press, engravings were a conventional as well as imposed expression of the First of May. They survived the war but, from then on, were almost exclusively concentrated in the trade-union press. The article analyses the images systematically published in Le Peuple, daily newspaper of the CGT, and La Vie Ouvrière, that became after the split of the organ CGTU. It goes on with the analysis beyond the reunification, until World War II. These engravings, shows the article, are part of a genre and, as such, mobilise allegories, codes and pre-war stereotypes. It aims at evaluating to what extent they allow or not the apprehension of novelty.


Du renégat à l'Anti-France : Léon Jouhaux dans le dessin de presse de l'entre-deux-guerres, Christian Delporte 

Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, est la cible des dessinateurs communistes dans les années Vingt, avant de devenir, sous le Front populaire, celle des caricaturistes de droite. Figure du renégat réformiste pour L'Humanité, il se métamorphose, sous le crayon des collaborateurs de Gringoire ou de Candide, en incarnation de l'Anti-France, fauteur de désordre, puis va-t-en-guerre à la botte des communistes. L'article éclaire cette césure chronologique et met en lumière les ambivalences de l'image du syndicaliste, bonhomme et dangereux, dérisoire et puissant.

From the renegade to the Anti-France: Léon Jouhaux in press cartoons between the two world-wars period, Christian Delporte 

Léon Jouhaux, general secretary of the C.G.T. had been the larget of communist caricaturists in the 1920's, before he became, during the socialist government of 1936 (known as the Front Populaire), the larget of right-wing caricaturists. At first a figure of the reformist renegade for the communist newspaper L'Humanité, he turns, under the pencils of the collaborators of Gringoire or Candide, into the incarnation of the Anti-France, subversive then go-to-war advocate under the heel of the communists. The article explores this chronological break and reveals the ambivalence of the representations of the trade-unionist, good-hearted and dangerous, derisory and powerful.


Marc Blondel entre grotesque et allégorie dans le dessin de presse, Pierre Lefébure

Marc Blondel, secrétaire général de Force Ouvrière, focalise l'attention des médias et des caricaturistes de tous bords, à l'occasion des événements de novembre-décembre 1995. L'analyse, qui s'appuie sur les catégories distinguées par Pierre Bourdieu dans son approche du corps comme enjeu social, examine avec précision les déformations infligées au corps du dirigeant syndical par les dessinateurs de presse, son maintien, ses attributs, les situations dans lesquelles le personnage de papier se retrouve placé. Entre grotesque et allégorie, l'image caricaturée de Marc Blondel traduit paradoxalement la complexité du moment.

Marc Blondel, between grotesque and allegory in press cartoons, Pierre Lefébure

Marc Blondel, general secretary of the trade-union Force Ouvrière, focused the attention of the media and caricaturists of all political trends, during the great strikes that took place in november-december 1995. The analysis, inspired by Pierre Bourdieu's theory of categories, in his approach of the body as a social issue, carefully examines the deformations inflicted by press caricaturists upon the trade-union leader's body, his attitudes, his attributes, the situations into which the paper character is placed. Between grotesque and allegory, the caricatured image of Marc Blondel paradoxically suggests the complexity of the times.


Une évidence d'état : la famille, Remi Lenoir 

Si la famille s'est imposée et continue à le faire avec tant de force comme matrice de schèmes structurant la vision du monde social, loin d'y voir l'effet de nécessités anthropologiques, c'est, au contraire, dans ce qui est au principe de cette vision, la structuration de l'ordre politique, que les structures familiales se voient reconnaître le fondement en apparence naturel de toutes choses, notamment de la chose publique: la famille, en effet, peut d'autant plus apparaître comme le fondement naturel de l'ordre politique qu'elle est, elle-même, perçue selon les catégories selon lesquelles l'ordre politique est construit. On en a un exemple dans la constitution sinon de deux sciences, au moins de deux savoirs d'État qui ont la famille, son fondement, sa définition et sa finalité, pour objets. D'une part, la généalogie qui dans la formation et le fonctionnement de l'État dynastique participe directement à l'imposition légitime d'un mode de gestion légitime du pouvoir politique, notamment son maintien et sa perpétuation. D'autre part, la démographie qui, dans un état bureaucratique, s'intègre en continuité immédiate avec le mode de gestion et d'encadrement rationalisé des populations, typique des États modernes. Ces deux formes de savoirs participent du système d'instruments grâce auxquels une unité sociale s'objective dans des objets impersonnels qui la symbolisent, notamment l'État, et s'incorporent à des structures mentales qui la pensent et la représentent. Ce n'est pas un hasard si au cœur même de ces deux disciplines, qui ont pour objet la reproduction de la structure sociale, se retrouve, dans des configurations historiques pourtant fort différentes, la problématique de l'héritage et de l'hérédité. Elles contribuent, chacune à leur manière, à consolider l'unité collective et à en assurer la conservation, une des médiations étant le recours qu'elles font toutes deux au droit dont elles utilisent, réifient et éternalisent les catégories.

An evidence of state: family, Remi Lenoir 

If the notion of family has imposed itself as the master of schemes structuring the social world and goes on doing so strongly, it is not because of anthropological necessities, but, on the contrary, because in what is at the principle of this vision —the structuring of political order—, family structures are credited with being the apparently natural foundation for all things, notably the public thing: family, indeed, can all the more appear as the natural foundation for political order, that it itself is perceived as categories according to which political order is built. There is an example of this in the constitution of —if not two sciences— at least two forms of state knowledge which have family, its foundation, its definition and its finality for objet. On one hand, genealogy which, in the forming and functioning of the dynastic state, is directly connected to the legitimate imposition of a legitimate mode of management by the political power, notably its perpetuation. On the other hand, demography which, in, a bureaucratic state, is integrated with instant continuity in the mode of management and rationalised supervision of populations, typical of modern states. These two forms of knowledge are parts of a system of tools thanks to which a social unity becomes objective through the impersonal objects that symbolise it - notably the state - and incorporate it under forms of mental structures reflecting and representing it. Its is no chance matter if, at the very heart of those two topics, which both aim at the reproduction of the social structure, we find the problematic of inheritance and heredity, although in very different configurations. They contribute, each in their own way, to strengthen the collective unity and to assure its conservation, one of the mediations being that they both appeal to the law, in which they use, freeze and eternalise categories.


Le grotesque dans un poème chevaleresque italien du XVe siècle, le Roland amoureux de Matteo Maria Boiardo, Pascaline Nicou

Le grotesque, dans Le Roland Amoureux de Boiardo, se caractérise par une transformation, une déformation de la tradition antérieure. Il est lié au monstrueux et à la caricature et dit l'inconstance des formes du réel, leur renouvellement et leur variété.

The grotesque in Boiardo's Orlando innamorato, Pascaline Nicou 

The grotesque, in Boiardo's Orlando Innamorato, is characterized by a transformation, a distortion of the tradition. It's connected with the mostrous and the caricature and it suggests the changebleness of the forms of the reality, their renew and their variety.