Journée d'étude

Métamorphoses et adaptations de la chronique judiciaire

Université Paris 1, CRH du XIXe siècle/Isor et RIRRA21 (Amélie Chabrier, Myriam Tsikounas)

« Au seuil du tribunal, tout se passe comme si les paroles et les mots n’avaient plus à être retranscrits. Tout a été dit, redit et consigné dans les dossiers de plus en plus épais que l’instruction transmet à la chambre des mises en accusation, puis à la cour [...] Les seuls mots qui comptent, désormais, aux yeux de l’institution, sont ceux que vont prononcer les jurés, annonçant bien sûr ceux du verdict final. Tout le reste n’est que mise en scène et effets de manche, dont on peut abandonner le récit aux journalistes [...] »

Si, comme l’affirme Dominique Kalifa[1], le moment du procès, l’agôn judiciaire, n’intéresse guère l’institution, en revanche, dès la fin du XVIIIe siècle, il séduit un public nombreux, amateur des beaux crimes de la cour d’assises et des scènes comiques de la police correctionnelle. Le chroniqueur judiciaire, garant de la publicité des débats, instaurée en 1790, fait ainsi pénétrer ses lecteurs dans l’enceinte restreinte du prétoire, et tente d’en rendre compte fidèlement. Dans sa mission informative, il est un témoin privilégié du fonctionnement de la Justice et doit tout à la fois consigner les échanges et retranscrire l’atmosphère de l’audience.

Cette journée d’étude sera dévolue aux différentes médiations expérimentées depuis la réforme des Cours d’assises, en 1810, pour résoudre la difficulté de faire voir, faire vivre un procès à ceux qui n’y ont pas assisté. Des journalistes et des professionnels du droit (magistrats, avocats) ont laissé des témoignages directs des audiences. À travers ces textes, les intervenants se demanderont comment est conservé le discours judiciaire, et notamment son oralité, qui est sa principale caractéristique. La chronique judiciaire peut-elle pallier l’absence de son auteur à une audience ? D’autres formes médiatiques, le croquis d’audience, la chronique radiophonique ou encore le « live blogging » sont-elles plus à même de remplir cette fonction que l’écrit traditionnel ? Quels sont les divers moyens employés pour maintenir en éveil l’attention des lecteurs-auditeurs-spectateurs ? Que change le passage d’un média à un autre dans la restitution du compte rendu et quelles sont les résistances et les contraintes propres à chaque langage ? Force est de constater la pérennité du succès des grandes affaires judiciaires, du XIXe au XXIe siècle : les Lacenaire, Troppmann, et autre Dominici reviennent hanter les pages et les écrans dès que leurs méfaits, avoués ou niés, entrent en résonance avec un drame du temps présent. Les documents de première main connaissent ainsi de multiples réécritures et adaptations fictionnelles. Des recueils de causes célèbres au film, via le feuilleton radiophonique et télévisuel, quelles innovations permettent ces nouveaux supports dans la remédiation des procès ?

[1] Dominique Kalifa, La Civilisation du journal, « chronique judiciaire », à paraître en 2012.

 

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